Tirant le Blanc — Wikipédia

Tirant le Blanc
Image illustrative de l’article Tirant le Blanc
Page de garde de la traduction espagnole (1511) de Tirante el Blanco.

Auteur Joanot Martorell
Pays Royaume de Valence Royaume de Valence
Genre roman chevaleresque
Version originale
Langue catalan
Titre Tirant lo Blanc
Lieu de parution Valence
Date de parution 1490
Version française
Traducteur Anne Claude de Caylus
Date de parution 1737

Tirant le Blanc (titre original en catalan : Tirant lo Blanch ; Tirant lo Blanc dans la langue moderne) est un roman chevaleresque de Joanot Martorell paru pour la première fois à Valence en 1490.

Il est considéré comme le chef-d’œuvre de la littérature classique catalane et l’un des chefs-d’œuvre de la littérature universelle[1],[2],[3],[4],[5],[6],[7]. Livre favori de Miguel de Cervantes, dont la profonde influence se retrouve dans la conception de son Don Quichotte, il marque un jalon important dans l’élaboration du roman moderne[1],[2],[8],[9],[10],[11].

Le livre raconte en 487 chapitres[12] les aventures d'un gentilhomme breton, Tirant le Blanc, qui se fait connaître au cours de fêtes et de combats à la cour d’Angleterre. Il devient chef des forces armées qui volent au secours de l’île de Rhodes et de l’Empire grec, qu’il défend contre l’invasion turque[10]. Le roman raconte également les amours de Tirant le Blanc avec Carmésine, la fille de l'empereur de Constantinople[12].

Historique

Page de l'édition incunable du Tirant lo Blanc (Valence, 20 novembre 1490).

Martorell commence la rédaction de l'œuvre le [13]. Elle sera achevée par Martí Joan de Galba (en)[14] (néanmoins la part de sa contribution réelle à l'œuvre finale a été fortement réduite par les études récentes)[15].

Tirant lo Blanc est publié en 1490 à l'initiative de Galba, alors que son auteur est mort depuis plus de deux décennies, par le typographe allemand Nicolau Spindeler (es) installé à Valence à 715 exemplaires, puis encore réédité à Barcelone par Spindeler à environ 1 000 exemplaires en 1497[13],[11].

Traductions

La première traduction connue en castillan est publiée en 1511 à Valladolid par Diego de Gumiel (ca)[15]. Il s'agit probablement de la version connue de Cervantes[15].

En 1737 est publiée la première traduction en français (traduction adaptée), attribuée au comte de Caylus[15].

Analyse

Reconstitution du tournoi d'Oxford au Musée des soldats de plomb de Valence.

Le caractère révolutionnaire de l'œuvre réside notamment dans le réalisme des scènes militaires dépeintes et de la psychologie du héros lui-même, en opposition avec les romans de chevalerie antérieurs où situations et personnages étaient en grande part invraisemblables[16].

Le récit mêle scènes de batailles et intrigues amoureuses du héros[17].

Contenu du récit

Dans Don Quichotte

Examen des livres de Don Quichotte.

Au chapitre six de la première partie de Don Quichotte, on jette au feu les livres qui ont rendu fou le héros (traduction de Louis Viardot) :

Et, sans se fatiguer davantage à feuilleter des livres de chevalerie, le curé dit à la gouvernante de prendre tous les grands volumes et de les jeter à la basse-cour.
Il ne parlait ni à sot ni à sourd, mais bien à quelqu’un qui avait plus envie de les brûler que de donner une pièce de toile à faire au tisserand, quelque grande et fine qu’elle pût être. Elle en prit donc sept ou huit d’une seule brassée, et les lança par la fenêtre ; mais voulant trop en prendre à la fois, un d’eux était tombé aux pieds du barbier, qui le ramassa par envie de savoir ce que c’était, et lui trouva pour titre Histoire du fameux chevalier Tirant le Blanc.
« Bénédiction ! dit le curé en jetant un grand cri ; vous avez là Tirant le Blanc ! Donnez-le vite, compère, car je réponds bien d’avoir trouvé en lui un trésor d’allégresse et une mine de divertissements. C’est là que se rencontrent don Kyrie-Eleison de Montalban, un valeureux chevalier, et son frère Thomas de Montalban, et le chevalier de Fonséca, et la bataille que livra au dogue le valeureux Tirant, et les finesses de la demoiselle Plaisir-de-ma-vie, avec les amours et les ruses de la veuve Reposée, et Madame l’impératrice amoureuse d’Hippolyte, son écuyer. Je vous le dis en vérité, seigneur compère, pour le style, ce livre est le meilleur du monde. Les chevaliers y mangent, y dorment, y meurent dans leurs lits, y font leurs testaments avant de mourir, et l’on y conte mille autres choses qui manquent à tous les livres de la même espèce. Et pourtant je vous assure que celui qui l’a composé méritait, pour [n’]avoir [pas][18] dit tant de sottises sans y être forcé, qu’on l’envoyât ramer aux galères tout le reste de ses jours. Emportez le livre chez vous, et lisez-le, et vous verrez si tout ce que j’en dis n’est pas vrai.
— Vous serez obéi, répondit le barbier …

Période contemporaine

Martí de Riquer écrit dans sa préface à l'édition catalane de  : « Il est fort naturel qu’en 1490 Tirant, roman alors d’actualité, ait eu de nombreux lecteurs. Mais ce qui est vraiment surprenant c’est qu’en 1969, dix mille lecteurs se précipitent sur un roman chevaleresque, vieux de cinq cents ans, et l’épuisent à un rythme que lui envieraient nombre de romans actuels et engagés dans ce siècle. C’est la grande victoire littéraire de Joanot Martorell. »

Le récit a inspiré un opéra, Le Triomphe de Tirant, créé en et un film, Tirant le Blanc, le complot des dames, sorti en .

Éditions et œuvres inspirées

Éditions en français

Traductions dans d'autres langues que le français

Tirant Lo Blanch fait partie des ouvrages en catalan les plus traduits, ayant été traduit en allemand, anglais, asturien, castillan, chinois, danois, finnois, français, italien, japonais, néerlandais, polonais, portugais, roumain, russe, serbe, suédois et tagalog[19].

  • (de) Der Roman vom weißen Ritter Tirant lo Blanc, traduction partielle de Fritz Vogelgsang, 1990, Frankfurt am Main, Fischer Verlag ; réédition en 2007.
  • (en) Tirant lo Blanc, traduction de David H. Rosenthal, 1984, New-York.
  • (en) Tirant lo Blanc, traduction de Ray La Fontaine, 1993, New-York, Peter Lang.
  • (en) The White Knight: Tirant lo Blanc, traduction de Robert S. Rudder, 1995, projet Gutenberg.
  • (es) Los cinco libros del esforçado cavallero Tirant el Blanco de Roca Salada, Valladolid, Diego de Gumiel, 1511 ; texte repris par Martí de Riquer, 1990, Barcelona, Planeta.
  • (es) Tirant lo Blanc, traduction de J. F. Vidal Jové, 1969, avec un prologue de Mario Vargas Llosa, Madrid, Alianza.
  • (zh) Qishi Dilang, traduction de Wang Yangle, 1993, Renmin Wenxue Che Bansche, Beijing.
  • (fi) Tirant Valkoinen, traduction de Paavo Lehtonen, 1987, Helsinki.
  • (it) Tirante il bianco, 1538, traduction de Lelio Manfredi, Venise ; réédité en 1566 et 1611 ; édition critique de Annichiarico, A., L. Indini, M. Majorano, V. Minervini, S. Panunzio i S. Zilli, 1984, introduction de G. E. Sansone, Roma, Edizioni La Tipografica.
  • (it) nouvelle traduction de Giuseppe Grilli.
  • (ja) traduction de Ko Tazawa (2007), Tokyo, Iwanami Shoten.
  • (nl) Tirant lo Blanc, traduction de Bob de Nijs, 1988, Amsterdam ; réédité en 2001 sous le titre De volmaakte ridder Tirant lo Blanc, Amsterdam, Querido.
  • (pl) Tirant Biały, traduction en cours de Rozalya Sasor.
  • (pt) Tirant lo Blanc, traduction de Cláudio Giordano, 2004, Atelié Editorial, Cotia.
  • (ro) Tirante el Blanco (roman cavaleresc), traduction partielle de Oana Busuioceanu, 1978, Bucarest, Minerva.
  • (ru) Tirant lo Blanc, traduction de Marina Abràmova, Piotr Skobtsev et E. E. Gúixina, 2006, Moscou, Ladomir : Nauka.
  • (sr) Tirant lo Blanc, traduction d’Aleksandar Grujicic, 2005, Paideia.
  • (sv) Tirant en Vite, traduction de Miquel Ibàñez, 1994, Stockholm, Interculture.

Œuvres diverses tirées de Tirant le Blanc

Notes et références

  1. a et b Joanot Martorell et Ray la Fontaine, Tirant lo Blanch: the Complete Translation, Peter Lang Gmbh, Internationaler Verlag Der Wissenschaften, (ISBN 0820416886)
  2. a et b Joanot Martorell, Martí Joan de Galba et David Rosenthal (en), Tirant lo Blanch, Johns Hopkins University Press, (ISBN 0801854210, lire en ligne Inscription nécessaire), p. ix :

    « With these words , and especially the phrase " the best book of its kind in the world , " Cervantes established Tirant lo Blanc as an underground classic, a category in which –outside the Catalan Lands–, it still belongs today. [...] Why, then, has Tirant lo Blanc failed to win the acclaim it deserves? A number of reasons could be advanced, but the basic one is simple enough: it was written in Catalan. »

  3. Courcelles 1996, § 1. « Dans la littérature catalane de la fin du Moyen Âge, le roman de chevalerie intitulé Tirant lo Blanc est une des œuvres les plus célèbres. »
  4. (es) Manuel Muñoz, « Rosenthal pudo al fin hablar en Valencia sobre su traducción de 'Tirant lo Blanc' », El País, Valence,‎ (lire en ligne, consulté le ) :

    « el primer traductor al inglés de la obra maestra de la literatura en catalán, obra de los valencianos Joanot Martorell y Martí Joan de Galba, vio boicoteado su primer intento de dar esta conferencia en la ciudad, el pasado jueves, al impedirlo grupos de anticatalanistas en el salón dorado de la Lonja, que pretendieron imponer con gritos e insultos su criterio de que existe una "lengua valenciana" diferente de la catalana. »

  5. Edward T. Aylward, Martorell's Tirant lo Blanch: A Program for Military and Social Reform in Fifteenth-Century Christendom, University of North Carolina Press, University of North Carolina at Chapel Hill for its Department of Romance Studies, (ISBN 0807892297) :

    « Only in the late 1940s did Hispanists begin to awaken to the considerable literary qualities of this unique Catalan work of fiction »

  6. Juan Pablo Fusi (trad. de l'espagnol par Denis Rodrigues), Espagne : Nations, nationalités, nationalismes: Des Rois Catholiques à la Monarchie Constitutionnelle, Presses universitaires de Rennes, (ISBN 978-2-7535-2630-3), loc. 653 :

    « Même si la littérature catalane du xvie au xviiie siècle ne peut être comparée ni en qualité ni en quantité à la production des siècles antérieurs (Raymond Lulle, Berant Metge, Tirant lo Blanc, Ausias March), elle parvint néanmoins à survivre. »

  7. Friend 2012, p. 78. « At the very end of the fourteenth century poetry in Catalan sprang into life. [...] later in the fifteenth century two poets, Jordi de Sant Jordi and Ausias March, produced extraordinary poetry. At the end of the fifteen century another Valencian, Joanot Martorell, wrote a much-read novel of chivalry, Tirant lo Blanc, whose hero, a Breton knight, fights the Turks in the service of the Byzantine emperor. »
  8. Courcelles 1996, § 1. « Miguel de Cervantés, qui le lit en castillan au xvie siècle, estime qu'il est « parmi la foule innombrable et vaine des livres de chevalerie » « de par son style le meilleur roman du monde ». »
  9. Barberà 1997. « Au chapitre six de la première partie de Don Quichotte il est fait mention d'un roman de chevalerie dont le titre est Tirante el Blanco. Par la voix du curé qui procède à l'autodafé des livres constituant la bibliothèque de don Quichotte, Cervantès ne tarit pas d'éloges sur ce roman dont il a lu la traduction castillane de 1511, sans mention d'auteur, la seule qu'il ait probablement connue. Il ignore donc que l'œuvre est catalane, que son titre original est Tirant lo Blanc et que son auteur s'appelle Joanot Martorell. »
  10. a et b Friend 2012, p. 78.
  11. a et b Buffery et Marcer 2011, p. 359.
  12. a et b Buffery et Marcer 2011, p. 360.
  13. a et b Barberà 1997, p. 12.
  14. « Joanot Martorell comença el Tirant lo Blanc | enciclopedia.cat » (consulté le )
  15. a b c et d (ca) « Tirant lo Blanc », sur Gran Enciclopèdia Catalana (consulté le )
  16. Barberà 1997, p. 27.
  17. Barberà 1997, p. 27-28.
  18. Viardot, qui n'avait pas mis les deux fragments en rapport et n'avait donc pas compris le passage, a supprimé une négation qui a été rétablie ici. Cervantes dit en effet : « Con todo eso, os digo que merecía el que le compuso, pues no hizo tantas necedades de industria, que le echaran a galeras por todos los días de su vida. », dont la traduction exacte est : « Et pour cela je vous assure que celui qui l'a composé méritait, pour n'avoir pas dit tant de sottises sciemment, qu'on l'envoyât ramer aux galères tout le reste de ses jours. » Effectivement, Martorell reste toujours dans le domaine du possible et évite tout merveilleux, ce qu’appréciait l'auteur du Quichotte.
  19. « TRAC: Traduccions del català - Institut Ramon Llull », sur Institut Ramon Llull (consulté le )

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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