4e régiment de tirailleurs tunisiens — Wikipédia

4e régiment de tirailleurs tunisiens
Image illustrative de l’article 4e régiment de tirailleurs tunisiens
Insigne régimentaire du 4e régiment de tirailleurs tunisiens
(1er modèle)

Un Sceau de Salomon (alias Etoile de David) et un Croissant entrelacés avec, au centre, un 4 stylisé superposé à la devise arabe ما شاء الله ("si Dieu le veut" ou "la volonté de Dieu").


Création Décembre 1884
Dissolution 1956
Pays Drapeau de la France France
Branche Armée de terre
Type Régiment de tirailleurs
Rôle Infanterie
Ancienne dénomination 4e régiment de tirailleurs algériens
Devise Sous la garde d'Allah
ou
Sous la protection d'Allah
Inscriptions
sur l’emblème
Casablanca 1908
Guise 1914
Artois 1915
Champagne 1915
Verdun 1917
L'Aisne 1918
Picardie 1918
Somme-Py 1918
Le Belvédère 1944
Garigliano 1944
Vosges 1944
Stuttgart 1945
Indochine 1947-1954
Guerres Campagne du Maroc
Première Guerre mondiale
Seconde Guerre mondiale
Guerre d'Indochine
Batailles Chemin des Dames
Verdun
Fourragères Légion d'honneur avec une olive aux couleurs de la Médaille militaire
Décorations Légion d'honneur
Croix de guerre 1914-1918
6 palmes et 1 étoile de bronze
Croix de guerre 1939-1945
4 palmes
Croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieurs
1 palme
Mérite chérifien
Ordre du Nichan Iftikhar

Le 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT) est un régiment d'infanterie français, de l'armée d'Afrique, en activité entre 1884 et 1956[1].

Il est l'un des régiments les plus décorés de l'armée française[2]. Il se distingue particulièrement lors de la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il est cité six fois à l'ordre de l'Armée et obtient la Légion d'honneur, puis lors de la Seconde Guerre mondiale, au sein de la 3e division d'infanterie algérienne, notamment lors de la campagne d'Italie avec le corps expéditionnaire français du général Juin ; il est à nouveau cité quatre fois à l'ordre de l'Armée.

Création et différentes dénominations

[modifier | modifier le code]
  • 14 décembre 1884 au 15 avril 1913 : 4e régiment de tirailleurs algériens (4e RTA)[3]
  • 15 avril 1913 au 31 décembre 1921 : 4e régiment de tirailleurs indigènes (4e RTI). Appellation officielle très peu utilisée.
  • 1er janvier 1922 au 30 septembre 1924 : 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT)
  • 1er octobre 1924 au 28 février 1926 : 4e régiment de tirailleurs nord-africains (4e RTNA). Appellation officielle très peu utilisée.
  • 1er mars 1926 au 30 avril 1957 : 4e régiment de tirailleurs tunisiens (4e RTT)

Chefs de corps

[modifier | modifier le code]
  • Lieutenant-colonel Albert Daugan, commandant le régiment à titre temporaire le , puis à titre définitif le et ce jusqu'au .
  • Lieutenant-colonel Georges Ernest Maurice, commandant le régiment du au .
  • Lieutenant-colonel Heni Louis Victor Dardenne, commandant le régiment du au .
  • Lieutenant-colonel Charles Joseph Aubertin, commandant le régiment du à 1919.
Colonel Roux (1891 - 1944).

Historique des garnisons, combats et batailles

[modifier | modifier le code]

De 1884 à 1914

[modifier | modifier le code]

À l'origine, les régiments de tirailleurs algériens et tunisiens sont « fondus » en un seul système de numérotation, sans doute lié au fait que les territoires correspondants ont été soustraits de la même tutelle ottomane dont les responsables sont le dey d'Alger et le bey de Tunis. Ce sont souvent leurs anciennes troupes qui sont recrutées dans un premier temps pour constituer la base des premiers régiments. De là vient certainement le surnom de « Turcos » donné à ces unités. Selon d'autres sources, les tirailleurs gagnent leur surnom lors de la guerre de Crimée[4].

Créé le , sous l'appellation de 4e régiment de tirailleurs algérien (4e RTA )[5], il est constitué essentiellement de soldats tunisiens et de cadres français, ces derniers représentant entre 20 et 30 % des effectifs. Il compte en 1899 six bataillons de 600 hommes chacun[1].

En octobre 1900, le premier bataillon est envoyé au Tonkin alors qu'en 1907 et 1908, les 2e et 4e bataillons sont engagés dans la campagne du Maroc avec le 3e bataillon bientôt rejoint en Chaouia par le 4e bataillon[1]. D'octobre 1911 à septembre 1912, six des douze bataillons que compte alors le 4e RTT sont également engagés dans des combats contre les tribus hostiles au nouveau protectorat français[1]. Dans un message adressé au bey de Tunis, le , Eugène Regnault, ambassadeur de France au Maroc, souligne alors « la valeur, la discipline et le dévouement […] au-dessus de tout éloge » dont font preuve les tirailleurs tunisiens[1].

Première Guerre mondiale

[modifier | modifier le code]
Nouba et drapeau du 4e régiment de tirailleurs nord-africains en 1915.

Au début de la Première Guerre mondiale, la France mobilise en Tunisie 62 461 musulmans, contre 9 000 Français de Tunisie, en plus des 24 442 « travailleurs coloniaux », soit un total de 86 903 hommes[1]. Engagés pour la première fois le à Hanzinelle (Belgique), les soldats ne tardent pas à découvrir la guerre des tranchées.

Seul peuvent être "mobilisés" les Citoyens de pleine nationalité française. Les musulmans d'Algérie n'ayant pas signé le décret Crémieux (Titre III article 11) n'ayant pas la pleine nationalité, ainsi que les tunisiens de nationalité tunisienne et non française n'ont pas été "mobilisé" mais ont signé un engagement volontaire auprès de l'Armée Française.

Affectations

[modifier | modifier le code]

Le , le 4e régiment de marche (4e RMT) est formé en Tunisie. Il est initialement composé des 6e et 1er bataillons du 4e RTT. Le , le 4e RMT reçoit le 5e bataillon du 4e RTT en provenance du régiment de marche de tirailleurs de la division marocaine. D'abord rattaché à la 38e DI, le 4e RMT passe à la division marocaine le , aux côtés des RMLE, 7e RTA ainsi que du 8e RMZ. Le , il intègre la 2e division marocaine.

Les faits d'armes des tirailleurs tunisiens du Chemin des Dames à Verdun leur valent, en plus de la Croix de guerre et la Légion d'honneur, six citations à l'ordre de l'armée pour le régiment et sept pour les bataillons ainsi qu'une participation au défilé du [1]. Selon Ridha Kéfi, le ministère français de la Guerre rapporte le chiffre de 16 509 Tunisiens tombés au champ d'honneur sur un total de morts maghrébins estimé entre 28 et 36 000[1] ; une autre source militaire indique 10 500 tués sur un total de 63 000 combattants tunisiens[6].

Après l'armistice de 1918, les bataillons tunisiens sont redéployés dans d'autres théâtres d'opérations : Maroc, Sud tunisien ou Dardanelles mais aussi Syrie où ils aident à mater la révolte du Djebel druze en 1925-1926[1].

Entre-deux-guerres

[modifier | modifier le code]

En 1921[7], la différenciation s'opère entre tirailleurs algériens et tunisiens : il n'existe plus de 4e régiment de tirailleurs algériens, ni de 8e, 12e ou 16e régiment, les numéros multiples de quatre étant alors attribués aux tirailleurs tunisiens, les autres l'étant aux tirailleurs algériens.

Seconde Guerre mondiale

[modifier | modifier le code]

Pendant la campagne de France, le , lors de combats entre les troupes allemandes et le 4e RTT de la 84e division d'infanterie d'Afrique, 63 soldats sont tués à Ablis[8] et à Houville-la-Branche (Eure-et-Loir), où un cimetière militaire est aménagé après le conflit[1]. Parmi les tués se trouve le soldat Mohamed Amar Hedhili Ben Salem Ben Hadj dont le corps sera transféré en au Mont Valérien. Son corps est inhumé dans le caveau no 13 de la crypte du mémorial[9].

Lors de la campagne de Tunisie, équipés d'un matériel de fortune et dépourvus d'une véritable intendance, ils se battent aux côtés d'autres Français, d'Américains et de Britanniques, et aident à arrêter l'avance de l'Afrika Korps.

En 1944, pendant la campagne d'Italie, le 4e RTT est commandé par le colonel Jacques Roux puis par le colonel Guillebaud. Il constitue, avec les 3e et 7e régiments de tirailleurs algériens, l'infanterie de la 3e division d'infanterie algérienne commandée par le général de Monsabert au sein du corps expéditionnaire français. Il combat dans la région de l'abbaye du Mont-Cassin, réussit à franchir la ligne Gustave et s'empare du Belvédère[1], durant la Bataille du Belvédère. Durant ces combats, qui durent du 25 janvier au , le bilan est lourd[1] : la moitié des effectifs du régiment et les trois quarts de ses cadres, dont le colonel Jacques Roux, sont tués ou blessés (207 morts, 75 disparus et 1 090 blessés). Selon le général Charles de Gaulle, lors de ces combats du Belvédère, « le 4e régiment de tirailleurs tunisiens accomplit un des faits d'armes les plus brillants de la guerre au prix de pertes énormes »[10].

Il faut attendre l'ouvrage de Jean-Christophe Notin sur la campagne d'Italie, publié en 2002, pour que cet épisode tragique sorte des oubliettes de l'histoire. Le général René Chambe avait pourtant écrit un ouvrage complet sur les combats du Belvédère dès 1953 ; un autre ouvrage de référence est constitué par la biographie écrite par le général Douceret sur le commandant Paul Gandoët. Outre son colonel, deux officiers ont joué un rôle central dans les combats du Belvédère : le commandant Gandoët (chef du 3e bataillon) et le lieutenant Raymond Jordy (1914-1944). Tué le dernier jour des combats, à l'âge de 29 ans, le , Jordy fut l'utilisateur du ravin Gandoët dans lequel il lança sa 11e compagnie, le , perçant la ligne Gustave. Le maréchal Alphonse Juin lui rendit un hommage dans son ouvrage sur la campagne d'Italie.

Après le Belvédère, bien que décimé, le régiment est reconstitué et participe après le débarquement de Provence, en , à d'autres combats décisifs contre les forces allemandes, dans le Doubs, les Vosges (notamment lors des combats du Hohneck), en Alsace puis en Allemagne. Ainsi, l'adjudant-chef Ahmed El Abed est le premier militaire de l'armée française à pénétrer en Allemagne en 1945[1] : il franchit les eaux glacées de la rivière Lauter avec quelques dizaines de combattants et s'empare, le 14 mars, du village de Scheibenhardt.

Dans son journal de guerre, Ahmed Farhati, soldat du 4e RTT, note à la date du [1] :

« Paris est libre. Nous les Tunisiens, Marocains, Algériens et Sénégalais pouvons être fiers de nous : nous nous sommes battus pour la France comme si elle était notre patrie. J'espère que lorsque je rentrerai, enfin si je rentre en Tunisie, nous pourrons être considérés par les Français comme des frères et non comme des colonisés. »

Bilan des pertes

[modifier | modifier le code]
Cimetière militaire du 4e régiment de tirailleurs tunisiens à Houville-la-Branche, Eure-et-Loir. (combat du )

Du au , le 4e RTT a subi 1 009 tués (575 en Italie, 342 en France et 92 en Allemagne), 879 disparus et 4 053 blessés[11]. Plus largement, sur les 26 000 Tunisiens qui ont pris part aux combats, 1 700 sont morts à la fin de la guerre et 450 sont portés disparus[1].

De 1945 à nos jours

[modifier | modifier le code]

Guerre d'Indochine

[modifier | modifier le code]

Aussitôt la guerre finie, la France fait de nouveau appel au régiment pour rétablir sa souveraineté en Indochine. Le 4e RTT est donc reconstitué dès le [1] et l'expédition des 2e et 3e bataillon au Cambodge puis au Sud-Viêt Nam dure jusqu'en 1955.

Début , le Bataillon de Marche du 4e RTT, qui était déployé dans le sous-secteur de Phan Thiêt depuis le , quitte l'Indochine : il débarque à Bizerte le .

Indépendance de la Tunisie

[modifier | modifier le code]

Au retour des tirailleurs dans leur pays, celui-ci est sur le point d'accéder à l'indépendance qui est proclamée le . Expérimentés, ces derniers s'intégrent à la nouvelle armée nationale aux côtés des effectifs de la garde beylicale et des anciens fellagas[1]. Néanmoins, le régiment subsiste jusqu'en septembre 1958 avec l'apport d'Européens et de tirailleurs tunisiens ayant choisi de servir la France. Il se reconstitue en 4e régiment de tirailleurs qui rejoint l'Algérie (Territoires du Sud) le [12]. Implantation du régiment dans la région de Gafsa 1956-1957, colonel de sal, médecin du régiment, capitaine Bernard Pécout.

Le 1er régiment de tirailleurs est recréé le ; sa 4e compagnie garde la mémoire du 4e régiment de tirailleurs tunisiens en conservant ses traditions.

Symboles du 4e RTT

[modifier | modifier le code]

Drapeau du régiment

[modifier | modifier le code]
Drapeau du 4e RTT en 1917

Il porte, cousues en lettres d'or dans ses plis, les inscriptions suivantes[13] :

Drapeau du 4e RTT

Décorations

[modifier | modifier le code]
Plaque d'une rue de Scheibenhard en Alsace
Monument à la mémoire du régiment au Hohneck (Vosges)

Comme le 7e régiment de tirailleurs algériens, il porte la fourragère rouge.

Pour l'ensemble des deux guerres mondiales, le 4e RTT a obtenu 32 citations à l'ordre de l'Armée (dix pour le régiment, huit pour les bataillons et quatorze pour les compagnies)[14].

Personnalités ayant servi au 4e RTT

[modifier | modifier le code]

Références

[modifier | modifier le code]
  1. a b c d e f g h i j k l m n o p et q Ridha Kéfi, « Aux armes Tunisiens ! », Jeune Afrique, 12 février 2006
  2. Paul Nicolas, Sidi Brahim des neiges… Sur les traces du 4e régiment de tirailleurs tunisiens, éd. MC-Éditions, Carthage, 2008, p. 18
  3. Appellations successives du 4e RTT, site les-tirailleurs.fr par le général Eric de Fleurian
  4. Grand Larousse encyclopédique, vol. 10, éd. Librairie Larousse, Paris, 1964, p. 345
  5. 4e régiment de tirailleurs tunisien, site les-tirailleurs.fr par le général Eric de Fleurian
  6. Charles Mangin, Regards sur la France d'Afrique, éd. Plon, Paris, 1924, p. 107
  7. Anthony Clayton, Histoire de l'Armée française en Afrique 1830-1962, éd. Albin Michel, Paris, 1994, p. 303
  8. Memorialgenweb.org - Ablis : plaque commémorative du 4e Régiment de Tirailleurs Tunisiens
  9. Le soldat Hedhili, symbole d’une mémoire commune, Ambassade de France à Tunis, 28 juin 2010
  10. Charles de Gaulle, Mémoires de guerre. L'unité. 1942-1944, vol. II, éd. Plon, Paris, 1960, p. 267
  11. Paul Nicolas, op. cit., p. 125
  12. Site sur le régiment en Algérie de 1958 à 1962
  13. Décision no 12350/SGA/DPMA/SHD/DAT du 14 septembre 2007 relative aux inscriptions de noms de batailles sur les drapeaux et étendards des corps de troupe de l'armée de terre, du service de santé des armées et du service des essences des armées, Bulletin officiel des armées, no 27, 9 novembre 2007
  14. Paul Nicolas, op. cit., p. 118
  15. Bulletin des lois de la République française, éd. Imprimerie royale, Paris, 1919, p. 2028
  16. R. Drevet, L'Armée tunisienne, éd. Imprimerie Ch. Weber, Tunis, 1922
  17. Paul Gaujac, L'armée de la victoire : de Naples à l'île d'Elbe. 1943-44, éd. Charles-Lavauzelle, 1985, p. 48
  18. Ordres généraux n°27 cités par Paul Nicolas, op. cit., p. 121
  19. Jean Murat (11 mai 2021), site de l'ANOCR.
  20. Patrick Girard, Philippe Séguin : biographie, éd. Ramsay, Paris, 1999, p. 36

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • René Chambe, Le Bataillon du Belvédère, éd. Flammarion, Paris, 1953
  • Éric Deroo et Pascal Le Pautremat, Héros de Tunisie. Spahis et tirailleurs d'Ahmed Bey 1er à M. Lamine Bey. 1837 - 1957, éd. Cérès, Tunis, 2005
  • Marius Mennerat, Tunisiens héroïques au service de la France : l'épopée du 4e tirailleurs sur la front français. Guerre 1914-1918, éd. Berger-Levrault, Paris, 1939
  • Paul Nicolas, Sidi Brahim des neiges… Sur les traces du 4e régiment de tirailleurs tunisiens, éd. MC-Éditions, Carthage, 2008

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]