Privilège masculin — Wikipédia

Le privilège masculin est un concept en sciences sociales utilisé pour examiner la situation sociale, économique et politique des avantages, ou des droits, mis à la disposition des hommes, sur la seule base de leur genre. L'accès des hommes à ces avantages peut également dépendre d'autres caractéristiques, telles que l'ethnie, l'orientation sexuelle et la classe sociale[1],[2],[3].

Dans le langage courant, l'utilisation des pronoms masculins pour désigner les deux genres est souvent citée comme exemple, de la même façon que la préférence des garçons dans certaines cultures.

Le privilège masculin est souvent examiné avec le concept de patriarcat dans le mouvement féministe, tandis que de nombreux militants pour le mouvement pour les droits des hommes contestent l'existence du privilège masculin et du patriarcat dans la société occidentale moderne.

Terminologie

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Dans les affaires judiciaires alléguant de discriminations, le « sexe » est généralement préféré en tant que facteur déterminant, plutôt que le « genre », car il se réfère à la biologie plutôt qu'aux normes socialement construites, lesquelles sont plus ouvertes à l'interprétation et aux différends[4]. Dans Defining Male and Female: Intersexuality and the Collision Between Law and Biology, Julie Greenberg explique que bien que le genre et le sexe soient des concepts distincts, ils sont reliés dans le sexisme qui résulte souvent de stéréotypes fondés sur ce qui est attendu des membres de chaque sexe[5]. Dans l'affaire J.E.B. v. Alabama ex rel. T.B. (en), le juge Antonin Scalia distingue le sexe et le genre.

Ainsi, sur le plan biologique[pas clair], le privilège « masculin » est seulement l'une des nombreuses structures de pouvoir qui peuvent exister au sein d'une société donnée[6], et les niveaux/manifestations du privilège masculin agissent dans d'autres sociétés semblables ou différentes, ainsi que dans différents contextes au sein d'une même société. Le terme « privilège masculin » ne s'applique pas simplement au secteur de la détention de pouvoir, mais il décrit plutôt l'une des nombreuses structures de pouvoir qui sont interdépendants et interconnectés, au sein des sociétés et des cultures[7].

Peggy McIntosh, une universitaire féministe qui a traité aussi bien du privilège masculin que du privilège blanc, a déclaré que « le refus de l'état sur-privilégié des hommes prend de nombreuses formes ». Ce privilège ne résulte pas d'un effort concerté pour opprimer les personnes du genre opposé, cependant, les avantages inhérents que les hommes tirent du biais systémique placent les femmes dans un désavantage inné. Le privilège masculin peut être considéré comme un paquet invisible rempli de privilèges immérités, qui sont constamment à l'œuvre, mais qui sont non dits, et dont la plupart des gens sont inconscients. Les avantages de ces privilèges non-dits sont souvent décrits comme des dispositions spéciales, des outils, des relations, ou diverses opportunités. En fait, ce privilège peut effectivement affecter négativement le développement des hommes en tant qu'êtres humains, et quelques hommes questionnent les constructions de la société, ou l'existence de la structure des avantages, qui peut être contestée ou changée. Certaines personnes contestent l'existence du privilège masculin, et prétendent que le privilège spécifiquement masculin, dans le domaine du privilège blanc, est un mythe perpétué par les féministes, ainsi que par les hommes et les femmes qui ont à la fois des privilèges et des désavantages[8].

Comme expliqué par Paula Rothernberg dans son roman Privilege: A Memoir About Race, Class, and Gender, le privilège masculin prend souvent des formes institutionnalisées et intégrées à partir desquelles les hommes peuvent en bénéficier directement. Ces instances des systèmes du privilège masculin peuvent attribuer à l'homme plus d'empowerment, et peut aider à expliquer le sens de la centralité de l'homme dans certaines des plus puissantes institutions. Un exemple de privilège masculin institutionnalisé dans les milieux universitaires, peut être observé par la prédominance masculine dans la façon dont les programmes scolaires sont réalisés[9].

Neutralité du genre en anglais

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Certaines conventions linguistiques ont privilégié le point de vue masculin, et ont suggéré que la masculinité était la norme sociétale[10],[11],[12]. En anglais, les noms tels que « man » (« homme ») ou « humanity » (« humanité »)[13],[14],[15],[16], ainsi que des formes d'apostrophes comme « you guys » (« vous les gars ») sont régulièrement utilisés pour évoquer les femmes, alors que se référer aux hommes comme à des femmes n'est pas accepté[17]. Associer un homme par quelque chose de féminin, et faire appel à lui comme à une fille, est généralement considéré comme une insulte[18]. Des expressions comme « freshman » ou des titres professionnels comme « chairman » (« président ») qui sont censés s'appliquer aux deux sexes[12],[17] et à de nombreuses professions prestigieuses, sont implicitement associés aux hommes à un tel point que les gens utilisent les modificateurs comme « femme médecin » pour signaler les déviations de la norme selon laquelle les médecins sont généralement des hommes[19],[20]. Les images masculines et le langage exclusivement masculin pour les divinités telles que la référence à Dieu avec « il » ou « le Père », ont renforcé le privilège masculin[21],[22],[23],[24]. La grande ressemblance des hommes avec Dieu a été utilisée pour justifier la position religieuse et culturelle des hommes[21],[22],[23],[24].

De même, la troisième personne du singulier du pronom « he » est utilisé pour tous les individus (par exemple, « anyone can do it if he tries » (« n'importe qui peut le faire s'il essaie ») considérant que l'utilisation de « she » pour désigner les gens en général n'était pas autorisé[10],[12],[17],[25],[26],[27]. Avant cela, « they » et « he ou she » étaient largement utilisés dans l'anglais écrit et parlé[25],[26],[27]. En 1850, une loi a été adoptée au Parlement du Royaume-Uni pour interdire « they » et « he or she », en faveur de « he », en particulier pour raccourcir la langue utilisée dans les Actes du Parlement[25],[26],[27].

Point de vue général

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Dans le livre The Agony of Masculinity, Pierre Orelus utilise sa propre expérience de vie d'avoir grandi aux Caraïbes, dans le but de créer « une forme d'auto-réflexion critique et d'interrogation pour parler de la masculinité, de l'hétérosexisme et de l'homophobie ». Orelus évoque la façon dont la société a donné forme à son développement et lui a appris à « être un homme ». Les pratiques patriarcales transmises de génération en génération perpétuent les rôles de genre et l'hégémonique de la masculinité, qui tous deux contribuent à étendre la liberté dont bénéficient les hommes. Dans certains domaines, comme en Haïti, le stéréotype et définition sociétale d'être un homme conduit à de nombreux cas de violences familiales et à l'utilisation des femmes comme des objets sexuels. Cette violence découle d'un sens de la justification, en partie en raison du privilège masculin et de la façon dont les normes patriarcales encouragent la domination des hommes sur les femmes[28]. En outre, les hommes bénéficient de certains standards communs, tandis que les femmes en souffrent. Par exemple, Orelus décrit la façon dont les femmes ayant trompé leur conjoint ont été battues, humiliées, insultées et outragées. D'autre part, quand les hommes ont trompé leur conjointe, ils ont été glorifiés et leur statut s'est élevé. L'ironie du sort, c'est que les hommes réputés pour être beaux parleurs et avoir de l'expérience avec les femmes ont un plus grand attrait pour les femmes, dans les communautés haïtiennes. Par la même occasion, ces soi-disant libertés des privilèges masculins peuvent devenir des barrières pour certains hommes qui peuvent se sentir contraints, par les normes de la société, de se conformer à certaines attentes en lien avec le stéréotype du rôle masculin[28].

Orelus mentionne aussi que le privilège masculin peut être préjudiciable au développement social des hommes, en atteignant le sens de soi. Puisque dans un sens strictement traditionnel, les hommes sont souvent considérés comme plus compétents et capables que leurs homologues féminins, dans de nombreuses cultures, les hommes doivent se battre pour maintenir cette attente. Les hommes qui ne peuvent pas vivre selon ces normes sociétales sont enclins à faire face aux critiques, à la perte de respect de leurs pairs, et ils ont une plus faible estime de soi[28].

Préférence pour les fils

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En Inde et en Chine, les enfants masculins sont privilégiées au détriment des enfants féminins[29],[30],[31],[32]. Certaines manifestations de la préférence des fils et la dévalorisation des femmes, comprennent le fait d'éliminer les filles indésirables par la négligence, la maltraitance, l'abandon, ainsi que par l'infanticide des filles et le féticide (en) en dépit des lois qui interdisent l'infanticide et l'avortement sélectif[32],[33],[34]. En Inde, certaines de ces pratiques ont contribué au biais du sex-ratio en faveur des enfants masculins, à la naissance et dans les cinq premières années[30]. D'autres exemples de privilèges des enfants masculins sont les cérémonies spéciales « prier pour un fils » pendant la grossesse, en plus de la cérémonie et des festivités suivant la naissance d'un garçon, et l'inscription des fils avant les filles, et les félicitations fréquentes qui associent la bonne fortune et le bien-être, avec le nombre de fils[35].

Les raisons de préférer les fils aux filles incluent notamment les rôles des garçons dans les rites familiaux religieux, tandis que les filles ne sont pas autorisées à les réaliser, et la croyance que les fils sont des membres permanents de la famille, alors que les filles appartiennent à la famille de leur mari après le mariage, conformément à la patrilocalité de la tradition. D'autres raisons comprennent la patrilinéarité des douanes selon laquelle seuls les fils peuvent porter le nom de famille, l'obligation de payer la dot au mari de la fille ou à sa famille, et l'attente que les fils soutiennent financièrement leurs parents, alors qu'il est considéré comme indésirable ou honteux de recevoir un soutien financier des filles[32],[33].

Certains militants pour le mouvement pour les droits des hommes contestent l'idée selon laquelle les hommes détiendraient le pouvoir institutionnel et le privilège[36],[37], et affirment que les hommes sont souvent victimes et désavantagés par rapport aux femmes. Les militants pour les droits des hommes, Warren Farrell et Herb Goldberg (en), avancent que les hommes sont défavorisés et discriminés, subissant une pression sociale plus forte que les femmes, et que le pouvoir est une illusion pour la plupart d'entre-eux, rappelant que les hommes commettent trois fois plus de tentatives de suicides, qu'ils sont quinze fois plus touchés que les femmes par les accidents mortels d’origine professionnelle, qu'ils ne reçoivent en moyenne la garde de leurs enfants que dans 12% des cas après un divorce, que les hommes sans-domiciles ont plus de difficultés à accéder à un logement ou encore que les femmes jugées en comparution immédiate sont condamnées à des peines plus légères que leurs homologues masculins [38],[39],[40],[37].

En réponse, Sarah Maddison (en) de l'université technologique de Sydney, a déclaré que ces hommes « mobilisaient des discours de pouvoir en se rapportant uniquement à l'expérience individuelle, avec peu de conceptualisations des structures sociales ou des espaces, au-delà de ceux qui sont impliqués dans la vie quotidienne, personnelle et familiale (bien que même au sein de la famille, les relations de pouvoir genrés sont souvent invisibles ou déniés) »[41].

Références

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  1. Phillips, Debby A.; Phillips, John R. (2009).
  2. Coston, Bethany M.; Kimmel, Michael (2012).
  3. McIntosh, Peggy (2003).
  4. Render, Meredith. (2006) "Misogyny, Androgyny, and Sexual Harassment: Sex Discrimination in a Gender-Deconstructed World".
  5. Greenberg, Julie A. (1999).
  6. Foucault, Michel (1976).
  7. Narayan, Uma (1997).
  8. McIntosh, Peggy (1988).
  9. Rothernber, Paula S. (2000).
  10. a et b Wildman, S. M. (1996).
  11. Barnett, M. (2012).
  12. a b et c Briscoe, F.; Arriaza, G.; Henze, R. C. (2009).
  13. Roman, C.; Juhasz, S.; Miller, C. (1994).
  14. Davies, D. (2005).
  15. Cunningham, G. B. (2007).
  16. Anderson, K. J. (2010).
  17. a b et c Kleinman, S. (2002).
  18. Rosenberg, R. (2001).
  19. Flood, M.; Pease, B. (2005).
  20. Powell, B. (2010).
  21. a et b Lindley, S. H. (2006).
  22. a et b O'Brien, J. M. (2008).
  23. a et b Chandler, K. J. (2007).
  24. a et b Lorenzen, L. F. (1999).
  25. a b et c Henley, N. M. (1987).
  26. a b et c Bodine, A. (1975).
  27. a b et c Hegarty, P.; Buechel, C. "Androcentric reporting of gender differences in APA journals 1965–2004" (PDF).
  28. a b et c Orelus, Pierre W. (2010).
  29. Ryju, S.; Lahiri-Dutt, eds. (2011).
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  31. Joseph, W. A., ed. (2010).
  32. a b et c Lai-wan, C. C.; Eric, B.; Hoi-yan (2006).
  33. a et b Singh, K. (2012).
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  39. Dunphy, R. (2000).
  40. Flood, M. (2007).
  41. Maddison, S. (1999).

Bibliographie

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Articles connexes

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