Implication tchétchène dans l'invasion russe de l'Ukraine — Wikipédia
La République tchétchène, communément appelée Tchétchénie, est une république fédérale de Russie qui joue plusieurs rôles lors de l'invasion russe de l'Ukraine depuis 2022. Les forces de l'organisation prorusse Kadyrovtsy combattent aux côtés des forces d'invasion russes, tandis que le Bataillon Djokhar Doudaïev combat aux côtés de l'armée ukrainienne, amenant plusieurs commentateurs à un certain nombre de comparaisons entre l'invasion de 2022 et les guerres tchétchènes des années 1990 et 2000.
Forces prorusses
[modifier | modifier le code]Le 26 février, Ramzan Kadyrov, le chef de la République tchétchène, annonce que les forces militaires tchétchènes ont été déployées en Ukraine, affirmant que « Poutine a pris la bonne décision et nous exécuterons ses ordres en toutes circonstances »[1]. Le même jour, le média d'État russe RT publie une vidéo montrant 12 000 soldats tchétchènes rassemblés sur la place principale de Grozny, la capitale tchétchène, se préparant à entrer en guerre en Ukraine.
Le 27 février, l'armée ukrainienne annonce avoir détruit un important convoi de forces spéciales tchétchènes rassemblé près de Hostomel, une ville de la région nord-ouest de l'oblast de Kiev[2]. Peu de temps après, le décès au combat du général Magomed Touchaïev, chef du 141e régiment motorisé de la Garde de Kadyrov, est annoncé par l'armée ukrainienne[3],[4].
Le 28 février, Kadyrov publie un article sur Telegram estimant que « les tactiques choisies en Ukraine sont trop lentes », appelant les forces russes à prendre des mesures plus agressives[5]. Le 1er mars, Kadyrov annonce la mort de deux soldats tchétchènes et six blessés depuis le début de l'opération. Selon lui, l'invasion devrait « passer à des mesures à grande échelle »[6].
Le 3 mars, le journal The Times rapporte qu'un groupe de soldats tchétchènes a été envoyé pour infiltrer Kyïv dans le but d'assassiner le président ukrainien Volodymyr Zelensky, mais que celui-ci a été neutralisé à la suite de fuites d'informations du Service fédéral de sécurité russe[7].
Le 14 mars, Kadyrov publie une vidéo de lui-même sur les réseaux sociaux en affirmant qu'il se trouve à Hostomel dans le cadre de l'offensive russe sur Kyïv[8]. Son affirmation n'a fait l'objet d'aucune vérification indépendante[9]. Cependant le 16 mars, selon le journal en ligne Ukrayinska Pravda, les Ukrainiens sont parvenus à tromper Kadyrov en accédant à un lien sous couvert du média russe RIA Novosti pour obtenir son adresse IP, révélant ainsi la géolocalisation de son téléphone qui bipait à Grozny, en Tchétchénie, au lieu de l'Ukraine comme il l'affirmait[10]. Dmitri Peskov, l'attaché de presse de Poutine, affirme plus tard que Kadyrov « n'a pas directement affirmé qu'il était en Ukraine »[11].
Forces pro-ukrainiennes
[modifier | modifier le code]Un certain nombre de Tchétchènes anti-Kadyrov se sont portés volontaires pour combattre aux côtés des forces ukrainiennes, notamment au sein du bataillon Djokhar Doudaïev et du bataillon Cheikh Mansour[12],[13],[14].
Réactions
[modifier | modifier le code]Le 28 février, la Garde nationale ukrainienne partage une vidéo sur son compte Twitter, montrant des membres du bataillon Azov en train de graisser des balles avec de la graisse de porc, dans laquelle l'orateur déclare : « Chers frères musulmans. Dans notre pays, vous n'irez pas au paradis. Rentrez chez vous, s'il vous plaît »[15]. Une attitude dénoncée par le conseiller du président ukrainien Alexeï Arestovitch, qui appelle ses concitoyens à ne pas faire d'amalgame entre les kadyrovtsy d'une part et les Tchétchènes et les musulmans d'autre part : « Premièrement, vous offensez ainsi tous les musulmans du monde [...]. Deuxièmement, vous offensez vos compagnons d'armes : les musulmans d'Ukraine et les musulmans d'autres pays du monde, y compris des Tchétchènes, qui combattent les Russes avec vous »[16].
Un certain nombre d'analystes estiment que la présence des forces Kadyrovtsy en Ukraine est davantage axée sur la création d'un effet psychologique que sur la participation aux combats[17]. Écrivant pour Foreign Policy, Justin Ling déclare que les médias russes « utilisent la présence même de soldats tchétchènes en Ukraine comme une arme psychologique contre les Ukrainiens », tandis que Jean-François Ratelle, professeur à l'Université d'Ottawa, estime qu'il s'agit « de faire croire aux gens que ce qui s'est passé en Tchétchénie se produira en Ukraine — qu'ils saccageront la ville, pilleront, violeront et tueront »[18]. Aleksandre Kvakhadze de la Fondation géorgienne pour les études stratégiques et internationales déclare que « les images et les métadonnées montrent que la plupart des forces tchétchènes sont à au moins 20 km de la ligne de front, la seule chose qu'elles font est l'enregistrement de vidéos pour motiver la population tchétchène et promouvoir l'image du guerrier de Kadyrov et de ses forces »[19].
Comparaisons avec le conflit Russie-Tchétchénie
[modifier | modifier le code]Un certain nombre de commentateurs comparent l'invasion russe de l'Ukraine et les guerres tchétchènes des années 1990, notamment la bataille de Grozny[20],[21],[22],[23]. Selon le directeur du groupe russe de défense des droits de l'homme, Aleksandr Cherkasov, « Poutine a commencé de la même manière en Tchétchénie qu'en Ukraine actuellement, et continue alors que nous passons à une nouvelle étape du conflit. Cela a également débuté par une guerre appelée à l'origine “opération antiterroriste” et n'a pas été décrite comme un conflit armé »[24]. Tracey German du King's College de Londres déclare :
« Poutine semble avoir anticipé une répétition de la prise décisive de la Crimée par la Russie en 2014 ou de son invasion de la Géorgie en 2008 — mais ce que nous voyons ressemble plus à son intervention en Tchétchénie en décembre 1994 lorsque les forces armées russes n'ont pas été initialement en mesure de convertir leur supériorité militaire (certainement en termes de nombre) en succès militaire et stratégique, et des milliers de soldats russes se sont révélés incapables de sécuriser la république du Caucase du Nord... Il y a ici des échos de l'intervention russe en Tchétchénie fin décembre 1994, lorsque les dirigeants russes ont planifié une offensive blindée massive contre la capitale tchétchène, Grozny, dans l'intention d'organiser une frappe décisive avec un soutien aérien, en s'appuyant sur une guerre éclair pour prendre l'État-major tchétchène par surprise et s'assurer une prise d'initiative. Mais les forces tchétchènes étaient depuis longtemps préparées à une frappe contre la ville et l'attaque s’avérera être un échec cuisant[25]. »
Le journaliste écossais Neal Ascherson écrit : « le plan de Poutine semble comporter deux étapes. Premièrement, la victoire militaire, obtenue principalement en isolant la résistance dans quelques villes, puis par les bombardements intenses, exécutée comme tel par les Russes à Grozny, en Tchétchénie »[26].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Chechen involvement in the 2022 Russian invasion of Ukraine » (voir la liste des auteurs).
- « Chechen leader, a Putin ally, says his forces deployed to Ukraine », Al Jazeera, (consulté le )
- « The destruction of a convoy of Chechen special forces near Hostomel on Feb. 26 officially confirmed by the President's Office. », The Kyiv Independent, (consulté le )
- « Did Chechen Commander Die After Threatening Ukraine On Video? », Daily Dot, (consulté le )
- « Warlord who helped oversee Chechnya's brutal 'gay purge' killed in Ukraine », PinkNews, (consulté le )
- Jankowicz, « Key Putin ally admits Russian tactics in Ukraine failed in early days of invasion and calls for more brutal approach », Business Insider, (consulté le )
- Jankowicz, « Putin ally repeats call for Russia to use more brutal tactics in Ukraine, admits some of his own troops were killed », Business Insider, (consulté le )
- « Volodymyr Zelenskyy Has Reportedly Survived 3 Assassination Attempts In The Last Week », HuffPost, (consulté le )
- « Chechen leader Ramzan Kadyrov says he is in Ukraine », TheGuardian.com,
- (en) « Who is Ramzan Kadyrov, the brutal Chechen leader claiming to be in Ukraine? », The Economist, (lire en ligne)
- (en) Kadyrov did not come to Ukraine, his phone data reveals, (lire en ligne)
- (en) « Chechen leader Kadyrov claims he travelled to Ukraine », Al Jazeera, (consulté le )
- Prothero, « 'My MMA Gym Will Be Empty': Chechens Head to Ukraine to Fight Kadyrov », Vice Media, (consulté le )
- Mark MacKinnon, « Chechens and Georgians in Ukraine preparing to continue fight against Putin on a new front », The Globe and Mail, (lire en ligne, consulté le )
- « Jihadis in Idlib bash Chechen leader Ramzan Kadyrov for role in Ukraine war - Al-Monitor: The Pulse of the Middle East », Al-Monitor, (consulté le )
- « Ukrainian fighters grease bullets against Chechens with pig fat », Al Jazeera, (consulté le )
- (ru) Виолетта Орлова, « Арестович просит не путать "кадыровцев" с чеченцами и мусульманами (видео) », sur УНIАН, (consulté le ).
- « What role is Chechnya's Ramzan Kadyrov playing in Ukraine war? », Al Jazeera, (consulté le )
- Ling, « Russia Tries to Terrorize Ukraine With Images of Chechen Soldiers », Foreign Policy, (consulté le )
- « Chechnya's losses in Ukraine may be leader Ramzan Kadyrov's undoing », TheGuardian.com,
- « From Grozny to Aleppo to Ukraine, Russia meets resistance with more firepower », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
- « Ukraine invasion: Why is Kyiv being likened to the 'next Grozny'? », The Independent (consulté le )
- « Boris Johnson: Putin is 'backed into cul-de-sac' and may 'double down to Grozny-fy Kyiv' », itv.com, (consulté le )
- « Putin's Syria and Chechnya playbooks foretell a grim direction for Ukraine war », The Times of Israel (consulté le )
- Sokolyanskaya, « Putin May Use Chechen War Playbook In Ukraine, Says Russian Human Rights Activist », Radio Free Europe/Radio Liberty, (consulté le )
- German, « Analysis: Is Russia repeating mistakes of past wars in Ukraine? », Al Jazeera, (consulté le )
- « History replays like a half-forgotten song, but once we remember, it's far too late | Neal Ascherson », The Guardian, (consulté le )