Guerre d'Algérie — Wikipédia
(ar) ثورة التحرير الجزائرية
Date | – [2] (7 ans, 8 mois et 4 jours) |
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Lieu | Algérie & France |
Casus belli | Décolonisation et guerre d'indépendance |
Issue | Victoire politique du FLN Militairement indécise |
Changements territoriaux | Fin de l'Algérie française : perte par la France des départements d'Algérie et du Sahara |
FLN MNA PCA (1954-1956) | France MPC | FAF (1960-1961) OAS (1961-1962) |
80 000 (1954) 140 000 (1958) 200 000 (1960) 300 000 (1962) | 150000 à 470000 soldats (maximum atteint et maintenu de 1956 à 1962)[11] 1 500 000 soldats mobilisés au total[12] + 20 000 harkis | 3 000 (OAS) |
140 000[13] à 152 863 combattants[14] ou membres du FLN tués
| 25 600 soldats français morts[15] 65 000 blessés 50 000 Harkis morts ou disparus[16],[17] 13 722 victimes civiles européennes dont 2 788 tués, 7 541 blessés et 3 393 enlevés ou disparus[18] | 100 morts (OAS) 2 000 prisonniers (OAS) |
Notes
- Selon l'Algérie : 1,5 million de pertes algériennes[19]
- Selon la France: + de 250 000 pertes algériennes (y compris civils)
- 1 000 000 d'Européens contraints de fuir l'Algérie[20]
2 000 000[21] à 3 000 000[22] d'Algériens déplacés[23] (sur une population de 10 000 000 de personnes)
Batailles
- Toussaint rouge
- Opération Eckhmül
- Opération Aloès
- Opération Véronique (en)
- Opération Violette
- Massacres d'août 1955 dans le Constantinois
- Opération Timgad
- Bataille d'El Djorf
- Opération Oiseau bleu
- Embuscade de Palestro
- Bataille d'Alger
- Bataille de Bouzegza
- Bleuite
- Bataille de Timimoun
- Bataille des Frontières
- Combat du Fedj Zezoua
- Coup d'État du 13 mai 1958
- Opération Résurrection
- Opération Couronne
- Opération Brumaire
- Plan Challe
- Opération Jumelles
- Semaine des barricades
- Manifestations de décembre 1960
- Putsch des généraux
La guerre d'Algérie (en arabe : ثورة التحرير الجزائرية), aussi connue sous les appellations événements d'Algérie, révolution algérienne, guerre d'indépendance algérienne et guerre de libération nationale, est un conflit armé qui se déroule de 1954 à 1962 en Algérie française, colonie française depuis 1830, divisée en départements en 1848. La guerre se termine par la reconnaissance de l'indépendance, validée par une large majorité lors d’un référendum populaire et la victoire politique du Front de libération nationale.
En tant que guerre d'indépendance et de décolonisation, elle oppose des nationalistes Algériens, principalement réunis sous la bannière du Front de libération nationale (FLN), à la France. Elle est à la fois un double conflit, militaire et diplomatique, et une double guerre civile, entre les communautés d'une part et à l'intérieur des communautés d'autre part. Elle a lieu principalement sur le territoire de l'Algérie française, mais a également des répercussions en France métropolitaine, où les attentats de l'OAS causent plus d'un millier de morts.
La guerre d'Algérie entraîne de graves crises politiques en France, qui ont pour conséquences le retour au pouvoir de Charles de Gaulle et la chute de la Quatrième République, à laquelle succède la Cinquième République. Après avoir donné du temps à l'armée française pour lutter contre l'Armée de libération nationale (ALN) en utilisant tous les moyens à sa disposition, le général de Gaulle penche finalement pour l'autodétermination en tant que seule issue possible, ce qui conduit une partie des officiers supérieurs français à se rebeller contre De Gaulle lors du putsch des généraux.
La guerre d'Algérie présente un bilan lourd, et les méthodes employées durant la guerre par les deux camps (torture, répression de la population civile) sont dénoncées. Selon les études menées par des historiens français, on estime qu'environ 250 000 Algériens sont tués dans cette guerre (dont plus de 140 000 combattants, ou membres du FLN), et jusqu'à deux millions ont été envoyés dans des camps de regroupement (sur une population totale de dix millions). Près de 25 600 militaires français sont morts et 65 000 ont été blessés. Les victimes civiles d'origine européenne dépassent les dix mille, dont un millier en France métropolitaine, au cours de quarante-deux mille incidents violents enregistrés.
Le conflit débouche, après les accords d'Évian du , sur l'indépendance de l'Algérie le suivant. Il précipite l'exode des habitants d'origine européenne, dits pieds-noirs, et des Juifs séfarades, ainsi que le massacre de près de cinquante mille harkis.
Dénominations
Le terme employé à l'époque par la France était « événements d'Algérie », bien que l'expression « Guerre d'Algérie » ait eu cours dans le langage courant[24],[25]. L'expression Opérations de maintien de l'ordre en Algérie a également été utilisée[26]. L'expression « Guerre d'Algérie » n'a été officiellement adoptée en France que le [27],[28],[24].
Contexte
La guerre d'Algérie prend place dans le mouvement de décolonisation qui affecta les empires coloniaux occidentaux après la Seconde Guerre mondiale. Elle s'inscrit dans le cadre du combat anti-impérialiste et conduira au terme d'une Histoire sociale de l'Algérie française parfois antagoniste.
Elle oppose principalement le Front de libération nationale (FLN), à l'origine de l'insurrection, et sa branche armée l'Armée de libération nationale (ALN, constituée de moudjahidines, djoundis, moussebilines, etc.) à l'armée française (comptant troupes d'élite (parachutistes, légionnaires), goumiers marocains jusqu'en 1956, gardes mobiles, CRS, appelés du contingent ou supplétifs musulmans).
Entre 1954 et 1962, 1 101 580 appelés ou rappelés et 317 545 militaires d'active (soit 1 419 125 militaires) ont été envoyés en Algérie[29]. En outre, selon Jacques Frémeaux, fin 1960, jusqu'à 200 000 musulmans algériens (50 000 réguliers et 150 000 supplétifs), combattent au même moment du côté français, soit selon lui « bien plus que les effectifs que met en ligne l'ALN »[30],[31]. D'autres chiffres, « gonflés », ont été lancés à des fins de propagande selon Charles-Robert Ageron[32].
Le conflit se double d'une guerre civile et idéologique à l'intérieur des deux communautés, donnant lieu à des vagues successives d'attentats, assassinats et massacres sur les deux rives de la mer Méditerranée. Côté algérien, elle se traduit par une lutte de pouvoir qui voit la victoire du FLN sur les partis algériens rivaux, notamment le Mouvement national algérien (MNA), et par une campagne de répression contre les Algériens pro-français soutenant le rattachement de l'Algérie à la République française. Par ailleurs, elle suscite côté français l'affrontement entre une minorité active hostile à sa poursuite (Libéraux d'Algérie, mouvement pacifiste), une seconde, favorable à l'indépendance (les « porteurs de valises » du réseau Jeanson, le Parti communiste algérien) et une troisième, voulant le maintien de l'Algérie française (Front Algérie française, Jeune Nation, Organisation de l'armée secrète (OAS)).
Cette guerre s'achève à la fois sur la reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie le , lors d'une allocution télévisée du général de Gaulle faisant suite au référendum d'autodétermination du 1er juillet prévu par les accords d'Évian du , sur la naissance de la République algérienne démocratique et populaire, le , et sur l'exode d'une grande partie des Pieds-Noirs (au nombre d'un million).
Contexte socio-économique
Société algérienne
Évolution démographique
La population algérienne diminue sensiblement de 1856 à 1872, selon le chercheur et démographe Kamel Kateb :
« En 1872, avec 2,1 millions de personnes recensées, la population indigène est inférieure à l'effectif dénombré en 1856 (2,3 millions), en 1861 (2,7 millions) et en 1866 (2,6 millions) »[33] soit une régression annuelle de -3.6 %. Cette régression est due notamment aux famines organisées par la gestion coloniale mais également par l'émergence de maladies européennes alors inconnues en Afrique du Nord ainsi que les différents massacres et meurtres commis dans le cadre de la colonisation des territoires algériens[33].
À partir de 1880 la population croît (environ trois millions de musulmans, pour environ 500 000 non-musulmans. En 1960, l'Algérie compte environ 9,5 millions de musulmans et environ un million d'Européens non-musulmans dont 130 000 juifs séfarades[réf. nécessaire].
Les villes sont traditionnellement peuplées surtout d'Européens et de Juifs séfarades[34], mais la population musulmane urbaine progresse pendant toute la première moitié du XXe siècle. En 1954, certaines villes sont à majorité musulmane comme Sétif (85 %), Constantine (72 %) ou Mostaganem (67 %).
Pour la période 1950-1954, l'espérance de vie à la naissance de la population algérienne musulmane est la moitié de celle de la population européenne (respectivement 34 et 60 ans pour les hommes et 33 et 67 ans pour les femmes)[35]. Selon la Banque mondiale, elle s’établit à 46 ans en 1960 pour la moyenne de l'ensemble des populations[36]. La mortalité infantile est très élevée en Algérie. Elle diminue fortement pour les populations européennes entre 1946 et 1954 (environ 50 pour 1 000), mais reste très forte pour les musulmans (environ 85 pour 1 000 en 1954)[37].
Statuts juridiques coloniaux
Jusque vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, la population algérienne est divisée en deux catégories distinctes, soumises à des statuts juridiques inégaux nés du sénatus-consulte du 14 juillet 1865 : d'une part, un million d'Européens, citoyens français de statut civil de droit commun (surnommés plus tard les « pieds-noirs ») qui étaient installés en Algérie souvent depuis plusieurs générations et auxquels étaient associés les juifs autochtones (excepté pour la période du statut des Juifs de 1940 à 1943 avec l'abrogation du décret Crémieux), et d'autre part, près de neuf millions d'Algériens, sujets français de statut personnel de droit local (appelés « Musulmans » ou « indigènes »)[38]il ne disposaient pas de la nationalité française et leurs droits étaient limités.
Cette discrimination ethno-raciale se matérialisait également via l'existence de l'impôt "arabe" prévu par le Code de l'Indigénat lui-même basé sur la discrimination raciale :
« L'impôt colonial prévu par le Code de l'Indigénat que subissaient les indigènes pour des raisons raciales et religieuses impliquait un paiement d'un impôt "sur la race" par les indigènes des différentes colonies, en Algérie, « Les colons européens en étant exonérés, la fiscalité fut ainsi une mécanique de paupérisation dirigée contre une population particulière. Dès lors, elle apparut comme un système d’impôts « ethniques » faisant obstacle à l’adoption de toute culture « civile », aussi bien parmi les colons que parmi les Algériens. Elle empêchait toute solidarité universaliste ou de classes entre Algériens et colons et, à n’en pas douter, démonétisait aussi bien les attitudes « civiles » intégrationnistes que socialistes. »[39]
Si les citoyens français jouissaient exactement des mêmes droits et devoirs que leurs compatriotes métropolitains, les sujets Algériens qui étaient soumis aux mêmes devoirs (ils étaient notamment mobilisables par le contingent), étaient privés d'une partie de leurs droits civiques (ils votaient au Second collège électoral où il fallait neuf de leurs voix pour égaler la voix d'un seul votant du Premier collège).
En 1946, la Loi Lamine Guèye, parfois comparée à l'édit de Caracalla[40], promulguée le 7 mai 1946, reconnaît enfin la citoyenneté française à « tous les ressortissants des territoires d’outre-mer (Algérie comprise) ». Grâce à elle, la citoyenneté se libère définitivement de sa dépendance au Code civil pour se rattacher à la nationalité, avec laquelle elle se confond depuis lors. Le droit de vote s'élargit à tous les Algériens de plus de 21 ans[41],[42].
La nouvelle citoyenneté est définitivement consacrée par la Constitution du 27 octobre 1946 qui reprend en son article 80 le contenu de l'unique article de la loi du 7 mai 1946, confirme en son article 82 la rupture définitive du lien, mis en place par le sénatus-consulte de 1865, entre la jouissance des droits de citoyen et le statut personnel, et réaffirme l'égalité entre les différents statuts civils[43],[42].
L'arrivée au pouvoir de Charles de Gaulle en 1958 et la promulgation des ordonnances du uniformise le statut des populations d'Algérie. Ces ordonnances rompent définitivement le lien entre la citoyenneté et le Code civil, suppriment les deux collèges électoraux et fusionnement finalement les populations en une seule catégorie de « Français à part entière » ; elles octroient enfin à la population algérienne une représentation politique plus équitable, proportionnelle à son importance dans chaque département algérien : 46 députés sur 67 et 22 sénateurs sur 31[42].
Économie algérienne
En Algérie, depuis les années 1930, près d'un million de pieds-noirs y vivent dont quelques milliers possèdent les meilleures terres agricoles (les plus fertiles et les moins exposées aux risques climatiques subtilisées aux indigènes ou plus rarement achetées à bas prix lors de la période de conquêtes).[réf. nécessaire]
Musulmans | Pieds-Noirs | Total | |
---|---|---|---|
Population | 9 196 000 | 1 136 000 | 10 332 000 |
% de la population totale | 89 | 11 | 100 |
% des terres agricoles | 75 | 25 | 100 |
% de la population agricole | 98 | 2 | 100 |
De nombreux agriculteurs européens sont des viticulteurs (400 000 ha consacrés à la vigne en Algérie) dont les productions sont exportées surtout vers la France métropolitaine. L'agriculture n'occupe que 9 % de la population active française (contre 26 % en métropole) mais les paysans d'origine française occupent l'essentiel des meilleures terres cultivables. [citation nécessaire] Cependant certaines sources certifient que ne sont attribuées aux colons que des terres alors en friche[45][réf. à confirmer]. Le colon en réclame autant qu'il pense pouvoir en cultiver avec sa famille, mais doit dès la deuxième année acquitter l'impôt foncier proportionnel à la surface, ce qui dissuade les abus.
Les différentes tentatives d'industrialiser l'Algérie se sont soldées par des échecs en raison de la concurrence de l'Europe, où l'outillage est plus performant et le personnel formé, et en raison de l'absence de houille et de chute d'eau pour alimenter en énergie les industries. Face à ces difficultés, l'État français encourage l'émigration vers la métropole des autochtones. Entre 1946 et 1962, environ 400 000 ouvriers Algériens sont embauchés en métropole et envoient des centaines de millions de francs vers l'Algérie chaque année[46].
Entre 1949 et 1953, les investissements dans les infrastructures algériennes sont subventionnés à 90 % par la métropole[46]. Ce pourcentage monte à 94 % jusqu'en 1956[46].
L'essentiel de la population musulmane est pauvre. Ce sont essentiellement de petits propriétaires terriens vivant sur les terres les moins fertiles, ou des journaliers. Dans les années 1950, les surfaces cultivables stagneraient autour de 7 millions d'hectares. La production agricole augmente peu entre 1871 et 1948, contrairement au nombre d'habitants. Selon Daniel Lefeuvre, la production annuelle de céréales passe de 3,88 quintaux/hab. à 2 q/hab. L'Algérie doit donc importer des produits alimentaires. La pauvreté des musulmans ne fait que s'aggraver en raison de l'explosion démographique de cette population. Entre 1948 et 1954, la valeur des importations alimentaires doit être triplée.
Une autre conséquence est l’installation d'un chômage très important parmi les populations musulmanes[46]. 1,5 million de personnes sont sans emploi en 1955. La commune d'Alger aurait compté 120 bidonvilles avec 70 000 habitants en 1953.
Si la population musulmane est majoritairement pauvre, Daniel Lefeuvre rapporte qu'environ 600 000 Algériens musulmans « appartiennent aux groupes sociaux les plus favorisés » (grands propriétaires fonciers, professions libérales, membres de l'armée et de la fonction publique)[47].
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le plan Marshall prévoit une aide économique à la France et l'Algérie.
Conséquences sur l'économie, le patrimoine et l'héritage algérien
La présence coloniale est synonyme pour les autochtones algériens musulmans d'un vol et d'une spoliation de leurs biens fonciers :
« La colonisation en Algérie ne supporte pas non plus le coût foncier des premières installations. Les terres sont purement et simplement confisquées. Ce sont donc les natifs qui financent l’investissement foncier. Nous avons le chiffre exact des terres livrées jusqu’en 1937 par l’État à la colonisation : 1.657.405 ha, soit 60 % du domaine foncier colonial privé. »[48]
La conquête d'Alger a impliqué la destruction d'un patrimoine millénaire ayant eu un impact sur l'héritage culturel algérien :
« De 1830 à 1833 environ, un quart du bâti de la ville d’Alger est détruit ou endommagé, tandis que la présence massive de l’armée, les exils et la venue d’Européens accélèrent la désagrégation d’une société urbaine déjà fragilisée (Ruedy, 1992, 23). Dans le même temps, la ville est le théâtre de conflits de compétences qui débordent le cadre local pour faire écho, en France, aux interrogations sur la définition de la propriété et du droit d’expropriation. La dénonciation des exactions et des destructions en 1834 par la Commission d’Afrique, envoyée sous l’égide du Parlement, conduit à faire de cette première période un contre-exemple futur des politiques urbaines coloniales avant la loi de 1844 sur les expropriations. »[49]
Contexte politique
Côté français
L’évolution vers un engagement européen, contradictoire avec le maintien de l’ancien Empire
À la suite de la Seconde Guerre mondiale, la France s'engage résolument dans une politique européenne qui dessine l'avenir de la nation.
Le , la France signe le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA). Le , le traité instituant la Communauté européenne de défense (CED) est adopté par le gouvernement français (mais ne sera pas ratifié par le Parlement). Le se tient la conférence de Messine préparant le traité de Rome du qui institue la Communauté économique européenne, prélude à l’Union européenne d’aujourd’hui, née le .
Cependant, au début de la guerre d'Algérie, des forces politiques encore puissantes essayent de maintenir ce qui reste de l'Empire colonial français.
La fin de la guerre d'Indochine et la décolonisation de l'Union française
Le conflit s'inscrit dans le cadre du processus de décolonisation qui se déroule après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour la France, cela concerne entre autres les colonies françaises d'Indochine (guerre d'Indochine de 1946-1954), la Guinée, Madagascar (insurrection malgache de 1947), l'Afrique-Équatoriale française et l'Afrique-Occidentale française, ainsi que les protectorats du Maroc et de la Tunisie, qui obtiennent leur indépendance respectivement le 2 et le .
L’impossibilité des réformes sous la IVe République
La principale cause du déclenchement de cette guerre réside dans le blocage de toutes les réformes, en partie causé par l'opposition de la majorité des pieds-noirs et de leurs représentants hostiles à toute réforme en faveur des musulmans, les gouvernements ne souhaitant pas se l’aliéner. Par ailleurs, la loi sur le nouveau statut de l'Algérie, proposée en 1947, n'est votée ni par les députés du colonat, ni par les quinze représentants des « Français musulmans » d'Algérie[50].
Alors que des dizaines de milliers d’habitants de l'Algérie française, estimés à 68 000 combattants, ont participé à la libération de la France et que plusieurs intellectuels revendiquent l’égalité des droits, les habitants musulmans de l'Algérie française sont à l'époque considérés comme des citoyens de second ordre, alors même que le régime de l'indigénat a été abrogé en théorie en 1945.
En 1947, l'application du nouveau statut de l'Algérie fut presque ouvertement faussée par l'administration, qui fit arrêter les « mauvais » candidats et truqua les résultats en faveur des intransigeants, au point que certains furent élus çà et là par plus de 100 % des inscrits.
Pendant les douze mois qui précédèrent le déclenchement du , ce ne sont pas moins de 53 attentats « anti français » qui furent commis[51].
Les combattants européens d'Algérie dans l'armée française
Les combattants indigènes d'Algérie dans l'Armée française
En 1960, 85 000 musulmans (appelés, engagés, militaires d'active, appelés FSNA ou Français de souche nord-africaine) servaient dans l'Armée régulière plus environ 150 000 supplétifs (60 000 harkis, 62 000 GAD, 8 600 GMS et 19 000 moghaznis) soit au total près de 235 000 musulmans combattant aux côtés des soldats français.
Au total, un peu plus de 110 000 FSNA furent incorporés dans l'armée régulière de 1956 à 1961[52].
Le , jour du cessez-le-feu, selon le rapport à l'ONU du contrôleur général aux armées Christian de Saint-Salvy, on dénombrait en Algérie, 263 000 musulmans engagés du côté français (60 000 militaires (FSNA), 153 000 supplétifs dont 60 000 harkis et 50 000 notables francophiles) représentant, familles comprises, plus de 1 million de personnes menacées sur 8 millions de musulmans Algériens[53].
L'Armée française recruta également environ 3 000 anciens éléments du FLN et de l'ALN dont certains formèrent le célèbre Commando Georges du lieutenant Georges Grillot. La plupart d'entre eux furent victimes de représailles à partir de 1962[54].
Selon Maurice Faivre, on comptait ainsi quatre fois plus de combattants musulmans dans le camp français que dans celui du FLN[55].
Concernant le nombre des supplétifs ayant servi du côté français durant toute la guerre d'Algérie, François-Xavier Hautreux, estime qu'il est impossible à connaître avec exactitude sans registre précis, mais donne un ordre de grandeur « entre 200 000 et 400 000 hommes, soit 10 % à 20 % de la population algérienne susceptible d'être recrutée. » Selon lui, l'ordre de grandeur témoigne d'un « phénomène massif, qui a concerné avec plus ou moins d'intensité la société rurale algérienne dans son ensemble »[56]. Par ailleurs, il considère que comparer les effectifs des musulmans algériens combattant de l’armée française et ceux de l’ALN « relève d’un non-sens », la stratégie du combat clandestin de l’ALN ne permettant pas la présence d’effectifs armés importants et la nature du combat mené par les nationalistes algériens ne devant pas être réduite à un engagement militaire[57].
Côté algérien
Naissance du mouvement national algérien
Au début du XXe siècle, plusieurs dirigeants algériens exigent de la France le droit à l'égalité ou à l'indépendance.
Plusieurs partis vont être créés et plusieurs pamphlets seront écrits pour défendre le droit des Algériens. Plusieurs penseurs algériens vont vilipender les plus importantes personnalités du régime colonial français.
La plupart des figures du mouvement algérien vont être surveillées de près par les services policiers français, d'autres seront exilées vers d'autres pays comme l'a été l'émir Khaled el-Hassani ben el-Hachemi (1875-1936) en Égypte puis en Syrie.
Malek Bennabi[58], Mohamed Hamouda Bensai, Saleh Bensai, Messali Hadj[59], Ben Badis[60], Mohamed Bachir El Ibrahimi, Fodil El Ouartilani, Larbi Tébessi, Ferhat Abbas, Omar Ouzeggane, etc., tous vont diverger entre eux sur la question algérienne, cela provoquera l'émergence de plusieurs associations et partis algériens : Parti de la réforme ou mouvement pour l'égalité, Association des oulémas musulmans algériens, association de l'Étoile nord-africaine, le Parti du peuple algérien, Amis du Manifeste des Libertés, Parti communiste algérien, etc.
Le massacre du 8 mai 1945
Le 8 mai 1945 ont lieu des manifestations d’Algériens dans plusieurs villes de l’Est du pays (Sétif, et le Constantinois), qui devaient permettre de rappeler leurs revendications nationalistes, de manière concomitante avec la liesse de la victoire[61]. À Sétif, après des coups de feu, un policier qui tue un jeune scout ayant brandi le drapeau algérien et une petite fille européenne est tuée par une balle perdue, la manifestation tourne à l’émeute et la colère des manifestants se retourne contre les « pieds noirs » : 27 Européens et Juifs sont assassinés (103 trouveront la mort dans les jours suivants), ainsi que 700 Algériens. La répression de l’Armée française est brutale, quelques images de ces événements ont été archivées et diffusées par la télévision algérienne en 2005[62].
Officiellement, elle a fait 1 500 morts parmi les indépendantistes, chiffre plus proche des 5 000 à 6 000 selon Charles-Robert Ageron[63], ou des 6 000 à 6 500 calculés par le Service Historique de la Défense[64] et Roger Vétillard[65], tout en précisant qu'il s'agit d'une estimation haute. Selon l’historien Benjamin Stora, il s'élève entre 20 000 et 30 000. Le Parti du peuple algérien (PPA) estime qu'il y a eu 45 000 morts[66]. Du fait de la radicalisation qu'ils ont engendrée dans les milieux nationalistes algériens, certains historiens considèrent ces massacres comme le véritable début de la Guerre d'Algérie[67], opinion qui, pour Charles-Robert Ageron, « ne peut pas être acceptée comme un constat scientifique »[63].
Dans son rapport, le général Duval, maître d'œuvre de la répression, se montra prophétique : « je vous donne la paix pour dix ans, à vous de vous en servir pour réconcilier les deux communautés »[68],[69].
De 1945 à 1954
À la suite de la mort de Ben Badis en 1940, de l'emprisonnement de Messali Hadj et de l'interdiction du Parti du peuple algérien, le parti Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) revendique, après le statut de l'égalité, l'indépendance de l'Algérie en 1948. L'Association des oulémas musulmans algériens est alors interdite. L'Organisation spéciale apparait et a pour but de rassembler des armes pour le combat. Mohamed Belouizdad est le premier chef de l'organisation clandestine. Hocine Aït Ahmed prend ensuite la tête de l'Organisation et continue à œuvrer pour l'achat des armes. La poste d'Oran est attaquée par les membres de l'OS.
Ahmed Ben Bella prend la place de Hocine Aït Ahmed en 1949. Le plan de l'organisation est dévoilé et des arrestations en chaîne sont opérées par les autorités françaises en 1950. Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques nie tout relation avec l'Organisation spéciale afin d'éviter des arrestations.
Le CRUA, fondé en , organise la lutte armée. Le parti du Mouvement national algérien (MNA) est fondé en par les messalistes. Par la suite, le Front de libération nationale (Algérie) (FLN) est fondé en octobre 1954 par la branche du CRUA (Comité révolutionnaire d'unité et d'action).
Le Front de libération nationale (FLN) et le Mouvement national algérien (MNA) rivalisent non seulement pour prendre le contrôle de la révolution mais surtout pour la représentation du futur État. Messali Hadj sera libéré de prison en 1958 et sera assigné à résidence surveillée en France.
Décision de lutte armée
En 1954, l'élimination des nationalistes Algériens lors des élections de l'Assemblée algérienne marque le point de rupture politique et l'échec des nationalistes. Lors de la réunion des 22, le vote se prononce en faveur de la lutte armée. L'action armée va venir du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA). Le déclenchement de la révolution algérienne a été décidé à Alger lors de la réunion des 6 chefs du CRUA[70],[71]. Le CRUA se transformera en Front de libération nationale (FLN). Les six chefs du FLN qui ont fait le déclenchement des hostilités le sont Rabah Bitat, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Mohamed Boudiaf, Krim Belkacem et Larbi Ben M'Hidi. La Déclaration du 1er novembre 1954 est émise par radio depuis Tunis. Dans la nuit du , la caserne de la ville de Batna est attaquée par les moudjahidines. Cette nuit sera appelée par les historiens français « Toussaint rouge ». Un caïd et deux enseignants français vont être abattus sur la route de Biskra et Arris. Il y aura deux versions différentes des faits. Des attentats sont enregistrés dans les trois districts de Batna, Biskra et Khenchela et le reste du pays.
Impérialisme et colonialisme dogmatiques
Au cours d'un voyage en Algérie, François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur dans le gouvernement Pierre Mendès France, déclare « La présence française sera maintenue dans ce pays ». Les opérations sont déclenchées dans les Aurès. L'Armée de libération nationale (ALN) ne dispose alors que de 500 hommes qui seront, après quelques mois, plus de 15 000 à défier l'autorité française[72]. 100 000 soldats français sont affectés dans les Aurès et plus tard ils seront plus de 400 000 en Algérie. Le général Cherrière donne l'ordre de faire le ratissage des Aurès. Il croit gagner, mais va subir une grosse défaite[73].
Les massacres du Constantinois des 20 et , notamment à Skikda (Philippeville) par leur cruauté du côté des insurgés algériens comme par la sanglante répression du côté français sont une étape supplémentaire dans la guerre[74]. La même année, l'affaire algérienne est inscrite à l'ordre du jour à l'Assemblée générale de l'ONU. À noter aussi la mort de Mostefa Ben Boulaïd, de Zighoud Youcef, etc. Plusieurs chefs sont emprisonnés[73].
Français décoloniaux alliés du FLN
Des intellectuels français vont aider le FLN[73]. Maurice Audin fut torturé et tué par les services français[75]. Frantz Fanon s'engage auprès de la résistance algérienne et a des contacts avec certains officiers de l'ALN (Armée de libération nationale) et avec la direction politique du FLN, Ramdane Abane et Benyoucef Benkhedda en particulier. Il donne sa démission de médecin-chef de l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville en novembre 1956 au gouverneur Robert Lacoste, puis est expulsé d'Algérie en janvier 1957. Albert Camus, natif d'Algérie, fut un défenseur des droits Algériens[76], dans les années 1940, avant de refuser de prendre position pour l'indépendance par ces phrases prononcées à Stockholm en 1957 : « En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère. »[77]. En , le premier militant français incarcéré pour son soutien à la cause algérienne est un ouvrier communiste libertaire, membre de la Fédération communiste libertaire (FCL) : Pierre Morain[78]. Il est condamnée à un an de prison ferme[79]. Dès 1956, Jean-Paul Sartre et la revue Les Temps modernes prennent parti contre l'idée d'une Algérie française et soutiennent le désir d'indépendance du peuple algérien. Sartre s'élève contre la torture[80], revendique la liberté pour les peuples de décider de leur sort, analyse la violence comme une gangrène, produit du colonialisme[81]. En 1960, lors du procès des réseaux de soutien au FLN, il se déclare « porteur de valise »[82] du FLN[83]. Cette prise de position n'est pas sans danger, son appartement sera plastiqué deux fois par l'OAS et Les Temps modernes saisis cinq fois.
Après la condamnation de Larbi Ben M'Hidi et après le déroulement du Congrès de La Soummam, le FLN intègre les dirigeants du Mouvement national algérien (MNA). Plusieurs partis Algériens adhèrent à la cause du FLN. Le Front de libération nationale et l'armée française tiennent le même langage : « Ceux qui ne sont pas avec nous, sont contre nous »[73].
La guerre éclate entre les chefs kabyles (Krim Belkacem, Ouamrane, etc) et les chefs chaouis et aussi entre les chefs chaouis des Aurès et les chefs chaouis de Nemencha[84]. Abdelhai et Abbès Leghrour seront condamnés à mort par le Comité de coordination et d'exécution (CCE). Il y aura aussi un conflit entre les hommes du Sud algérien et les dirigeants kabyles[73]. La Tunisie va être le théâtre d'affrontements entre les différents chefs. Le président Bourguiba devait intervenir pour pacifier les choses. Les Aurès, le Constantinois, l'Ouest de l'Algérie, la Kabylie, seront les zones les plus stratégiques de la révolution. Le Maroc aussi va jouer un rôle important, notamment pour faire transiter les armes, organiser des réunions du FLN et héberger des troupes militaires algériennes. Le Maroc et la Tunisie, sous protectorat français jusqu'en 1956, hébergeront néanmoins les deux armées de l'ALN aux frontières ainsi que plusieurs chefs du FLN comme Ferhat Abbas.
L'armée française fait construire le barrage de la mort, 320 km de long, 7 000 volts, un poste de contrôle chaque 15 km, des milliers de mines terrestres, etc., pour empêcher le passage des armes dans les Aurès et dans tout l'est de l'Algérie. Mais les éléments de l'ALN (Armée de libération nationale) vont déjouer toute la stratégie militaire française. Les villes (population algérienne) seront sous le contrôle de l'Armée de libération algérienne. La bataille d'Alger fera la une de la presse internationale et intérieure. Le conflit est porté jusqu'à L'ONU. Il y aura également plusieurs grèves et manifestations dans les villes. Les protestations ont été organisées par le FLN.
Le colonel Amirouche Aït Hamouda se rendra dans les Aurès en voulant intervenir pour unifier des zones des Aurès et faire passer les armes en Kabylie[85]. L'Aurès fut le lieu de passage des armes vers l'intérieur du pays. Le colonel Amirouche Aït Hamouda réussira à faire passer les armes qui provenaient d'Égypte en passant par la frontière de Tunisie et de l'Algérie. Il franchira les Aurès pour rejoindre la Kabylie. Une vingtaine de chaouis vont être du voyage, mais à la fin, ils abandonneront les troupes du colonel Amirouche pour revenir aux Aurès. Krim Belkacem voulait contrôler la région des Aurès pour établir l'union des forces. Les hommes de Ben Bella et de Abdelhafid Boussouf désiraient aussi avoir un pied dans les Aurès. Au même moment, la France connaîtra sa crise interne jusqu'à l'arrivée au pouvoir du général Charles de Gaulle à cause de la situation en Algérie. Les ultras européens veulent garder l'Algérie française. L'Armée française décide de créer les zones interdites sous contrôle des SAS (sections administratives spécialisées) et entame une lutte contre les Djounoudes (maquisards) et la population locale, dans les villes, dans les villages, dans les douars et sur tous les territoires sensibles au FLN. Les bombardements massifs, les tueries, les massacres, la torture, les viols, etc., tous les types d'actes criminels ont été employés dans cette guerre. Plusieurs attentats ont été organisés par l'ALN dans les villes et les villages, dans les zones interdites et dans les zones montagneuses des Aurès. Le CCE (Comité de coordination et d'exécution) s'est agrandi et a décidé de garder le cap sur les objectifs militaires ainsi que la primauté de l'intérieur par rapport à l'extérieur. Une grave crise apparaît entre les membres du Comité de coordination et d'exécution.
Selon Yves Courrière, Ramdane Abane s'oppose sévèrement aux militaires. Il choisit de prendre le maquis et désigne Hadj Ali, un homme de l'Aurès, pour renverser le CCE à Tunis mais il est condamné à la prison au Maroc par le CCE. Plus tard, il est tué au Maroc, mais les sources du FLN diront qu'il a été tué lors d'un accrochage avec l'Armée française. Le général Charles de Gaulle chef de l'État français engage une lutte contre les éléments de l'armée de libération nationale algérienne et il apporte les réformes tant attendues pour donner tous les droits aux Algériens. L'Armée française élimine presque tous les réseaux de l'Armée de libération nationale en Kabylie et dans quelques régions sensibles dans l'Opération jumelles. Les colonels Amirouche Aït Hamouda et Si el haouès sont tués lors d'un accrochage avec les éléments de l'Armée française. Le FLN appelle les éléments de son armée à tenir jusqu'au bout.
La délégation des principaux dirigeants du FLN (Mohamed Khider, Mostefa Lacheraf, Hocine Aït Ahmed, Mohamed Boudiaf et Ahmed Ben Bella) est arrêtée, à la suite du détournement, le par l'armée française, de leur avion civil marocain, entre Rabat et Tunis, en direction du Caire (Égypte)[86].
En 1959, Messali Hadj sort de prison, et est assigné à résidence surveillée en France[87]. Les Algériens en France organisent des attentats et des manifestations en métropole en faveur du FLN.
Le début de l'année 1960 est marqué par la semaine des barricades à Alger. La même année, l'ONU annonce le droit à l'autodétermination du peuple algérien. Le côté français organise des pourparlers avec le Gouvernement provisoire de la République algérienne. Plusieurs réunions à l'extérieur du pays vont aboutir aux accords d'Évian.
Le général de Gaulle annonce la tenue d'un référendum sur l'autodétermination de l'Algérie. Des militaires français se rebellent contre l'autorité du Général, notamment lors du putsch des généraux. En parallèle, le Gouvernement provisoire de la République algérienne est proclamé. Ferhat Abbas décline l'invitation française.
Dans un contexte de violence croissante qui voit augmenter les attentats du FLN contre les forces de l'ordre et se former des groupes « anti-terroristes » prêts à se faire justice eux-mêmes[réf. nécessaire], le ministre de l'Intérieur et le préfet de police décident d'instituer un couvre-feu envers les seuls Algériens. Le , une manifestation organisée à Paris par le FLN visant à boycotter le couvre-feu nouvellement appliqué, est réprimée par la police. La répression fait plusieurs centaines de blessés et un nombre de morts qui reste discuté, de plusieurs dizaines selon les estimations les moins élevées, à plus de 120 selon les historiens britanniques Jim House et Neil MacMaster[88].
L'Organisation armée secrète (OAS) organise des attentats contre les Algériens malgré l'accord de cessez-le-feu et les résultats du référendum pour l'indépendance pour sanctionner les gens qui étaient pour. L'indépendance de l'Algérie est proclamée après les résultats[89]. La plus grande bibliothèque d'Alger a été complètement détruite par l'OAS (Organisation armée secrète)[89].
Vecteurs de révolte et violences faites aux Algériens
Une pauvreté et une marginalisation endémique des indigènes par la gestion coloniale
Un vaste mouvement de révoltes naît au fil des ans du fait de nombreuses discriminations et injustices coloniales.
L'Algérien, sujet sans droit politique de la France, devient seulement officiellement citoyen français par la loi du [90], mais officieusement des inégalités économiques, politiques et ethniques extrême subsistent liées notamment au droits électoraux ; la citoyenneté française pleine ou entière est accordée aux Algériens en 1958, «bien trop tard pour arrêter le conflit» selon l'historienne Valérie Morin[91].
Les infrastructures construites en Algérie pendant la période coloniale étaient financées par l'impôt indigène et servaient exclusivement aux colons et non pas aux indigènes Algériens dans un régime d'apartheid non officiel, la majorité des Algériens vivaient encore dans les campagnes désindustrialisées et "clochardisées" (comme le qualifiait Germain Tillion) par la grande misère dans laquelle étaient maintenus les indigènes[92], misère qui avait été créé artificiellement par le colonialisme français[93].
Maintien hors de la scolarisation
Avec l'aide américaine du plan Marshall, 403 503 élèves sont scolarisés dans l'enseignement primaire en 1951 - 1952 à travers tout le territoire de l'Algérie : en 1962 à la veille de l'Indépendance moins de 15% des garçons et près de 2% des filles étaient scolarisés[94],[95]cette scolarisation avait pour but de convaincre les algériens que la France coloniale se préoccupait de leur sort, elle était structurée de manière à servir les intérêts de la colonisation.
La scolarisation tardive était un moyen pour la gestion coloniale d'occulter les conditions de vies majoritaires des indigènes durant la période coloniale: en 1930 57 000 garçons et 7 000 filles de 6 à 13 ans le sont , soit respectivement 11 % et 1 %[96]. L'instruction était perçue par les colons et le gouvernement français comme un vecteur d'"humanisation" des indigènes et et un moyen pour eux de prendre conscience du caractère arbitraire de leur condition et donc un outil de révolte[96]. Cependant le programme pour agrandir les villes et diminuer la proportion de gens des campagnes n'a été réalisé que partiellement par le gouvernement français et durant les 3 dernières années de colonisation quand la Guerre d'Algérie avait atteint un point de "non-retour"[92].
Crimes de guerres et actions violentes
Nombre d'exactions, de crimes, de violences sexuelles et d'exaction commises par l'armée coloniale française durant la guerre d'Indépendance algérienne tombent selon la convention de Genève sous la dénomination de crimes de guerre.
Déplacements de populations et camps de détention/concentration
Des éléments de l'armée française restent en Algérie pour aider à l'évacuation de Harkis et de plusieurs centaines de milliers de pieds-noirs. Un million de réfugiés Algériens reviennent en Algérie. Les Algériens viennent des quartiers périphériques ou des régions rurales dans les centres-villes en remplaçant les européens partis.
Dans leur lutte contre la guérilla, les autorités militaires décident de prendre le contrôle de la population pour priver le FLN des moyens logistiques (abri, nourriture) qu'il obtient de force dans les campagnes. Pour cela, des zones interdites sont créées, où tout être vivant, homme ou animal, est abattu sans sommation (qu'importait son genre, son âge, son statut socio-économique, sa participation réelle ou non au conflit ou sa culpabilité).La population qui y vit est chassée de ses habitations et regroupée dans des villages de tentes ou construits à cet effet, sous la surveillance de l'armée. Les villages vidés de leurs habitants sont souvent détruits pour ne pas pouvoir être utilisés par le FLN. Le déplacement de la population est en général forcé, une fois déplacées ces populations étaient concentrées dans des camps dits de regroupements. Dans ces camps, les conditions de vies sont extrêmement précaires et difficiles du fait de l'absence de logements et d'infrastructures. Cela y a causé une surmortalité de la population : selon Fabien Sacriste au moins 200 000 personnes (surtout des enfants) y moururent.
« Pourtant pour ceux qui vivent [dans ces camps] - plus d'un million de personnes pour la seule année 1959, et qui, avec le déplacement ont perdu leurs terres, leurs troupeaux, leurs poulets, bref, tous leurs moyens de survie, mais qui sont aussi dépossédés de toute culture, de toute initiative personnelle et de toute possibilité de compréhension d'un monde -, les camps deviennent d'immenses mouroirs : "il meurt à peu près un enfant tous les deux jours dans chaque camp" affirme Michel Rocard (près de 500 enfants par jour dans les seuls camps visités par Michel Rocard). Jean Amrouche avance des chiffres plus importants de l'ordre de 1500 à 2000) pour l'ensemble des camps se trouvant sur tout le territoire. »[93]
Environ 3 525 000 personnes sont déplacées durant le conflit, soit 41% de la population colonisée. 1 175 000 se sont recasés en construisant des habitations de fortune par leurs propres moyens ou en rejoignant des villages ou des villes et 2 350 000 ont été regroupés dans des camps créés par les autorités françaises, soit un tiers de la population rurale musulmane d'Algérie[97].
Déracinés de leurs villages, sans bétails, terres agricoles, encrage familiale ou culturel, de nombreux indigènes sombreront dans une pauvreté encore plus forte[92],[24].
Seule une minorité de moins de 20% reviendra dans son village d'origine, d'autres resteront dans les camps, parfois pendant une longue période ou migreront dans les villes.
En 1959 (jusqu'alors, les métropolitains ignoraient l'existence de ces camps) un documentaire du Figaro est réalisé dans ces camps par Pierre Macaigne, ces camps sont très rapidement comparés par les métropolitains à des camps de concentration nazis.
« Loin d'être des cas isolés [ces camps] furent le résultat d'une politique programmée, si bien que le terme de génocide fut utilisé sans hésitation par Michel Rocard et Jean Amrouche »[93]
Utilisation de gaz toxiques
Le recours à une large échelle entre 1956 et 1961 à un gaz toxique, le CN2D, contenant de la diphénylaminechlorarsine (DM)[98], est révélé en avril 2022 grâce à une enquête de la journaliste Claire Billet parue dans la revue XXI, fondée sur des témoignages d’anciens militaires français[98]. À cette date, l'accès aux archives de l'armée française n'est toujours pas autorisé[98]. L'utilisation de ce gaz est interdite par le protocole de Genève signé par la France en 1925[98]. Le texte proscrit « l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques »[98]. La France s'est dispensée de suivre le protocole, considérant que la Guerre d'Algérie n'était pas une guerre, mais une opération de maintien de l'ordre[98]. L'utilisation de ce gaz toxique peut être qualifié de crime de guerre selon le protocole de Genève mais également la convention de Genève relative aux droits humains.
Le CN2D n'est pas mortel en règle générale mais peut le devenir dans un lieu fermé[98]. Or il a servi dans le cadre de la « guerre des grottes » contre des nationalistes Algériens qui s'étaient réfugiés dans ces lieux souterrains[98]. Cette utilisation des gaz rappelle les enfumades de 1844-1845 qui ont fait des milliers de victimes lors de la conquête de l'Algérie[98].
Le général de Gaulle étend à travers l'Algérie les « sections des grottes » dans les troupes françaises, dès 1959 ; ces sections reçoivent une formation de la part des unités de la batterie des armes spéciales (BAS) dont la première est créée dès 1956[98].
Violences sexistes et sexuelles sur les femmes Algériennes
Viol comme moyen de torture et arme de guerre "genrée"
Les violences faites aux femmes, les agressions sexuelles, les mutilations génitales, les viols sont monnaies courante au sein de l'armée coloniale française de nombreux combattants du côté algérien en ont été victimes, tels que Djamila Boupacha[99] et Louisette Ighilahriz[100].
Raphaëlle Branche professeure d'histoire contemporaine à l'université Paris-Nanterre et spécialiste des violences en situation coloniale documente ce phénomène et l'illustre via plusieurs études et exemples :
« Ugo Iannucci décrit à plusieurs reprises la tentation puis la réalisation de réduire les « femmes de fellouzes » arrêtées en esclaves sexuelles. Tentant de discuter avec les autres soldats, il note dans son journal, dépité, ces bribes de conversation : « “On est bien d’accord avec toi, Ugo. C’est dégueulasse ce qu’on a fait. Mais c’est la guerre, et les femmes de fel, qui ont coupé les couilles à nos copains”. Toujours la même “logique”, commente-t-il. En réalité, racisme et couilles trop pleines »[101]
Selon un anciens appelé interrogé par Le Monde, « les détenues subissaient ce sort « en moyenne neuf fois sur dix ». Un homme né en 1960 du viol d’une Algérienne par des soldats français demande aujourd’hui réparation. »[102]
« Dans mon commando, les viols étaient tout à fait courants. Avant les descentes dans les mechtas (maisons en torchis), l’officier nous disait : « Violez, mais faites cela discrètement » », raconte Benoît Rey, appelé comme infirmier dans le Nord constantinois à partir de septembre1959, et qui a relaté son expérience dans un livre, Les Egorgeurs. « Cela faisait partie de nos « avantages » et était considéré en quelque sorte comme un dû. On ne se posait aucune question morale sur ce sujet. La mentalité qui régnait, c’est que, d’abord, il s’agissait de femmes et, ensuite, de femmes arabes, alors vous imaginez »[102]
« Pour Henri Pouillot, il y avait deux catégories de viols : « Ceux qui étaient destinés à faire parler, et les viols « de confort », de défoulement, les plus nombreux, qui avaient lieu en général dans les chambrées, pour des raisons de commodité. » Il se souvient que la quinzaine d’hommes affectés à la villa Sesini avait « une liberté totale » dans ce domaine. « Il n’y avait aucun interdit. Les viols étaient une torture comme une autre, c’était juste un complément qu’offraient les femmes, à la différence des hommes. » »
« Les prisonniers qu’on torturait dans ma compagnie, c’étaient presque toujours des femmes, raconte de son côté l’ancien sergent Jean Vuillez, appelé en octobre 1960 dans le secteur de Constantine. Les hommes, eux, étaient partis au maquis, ou bien avaient été envoyés dans un camp de regroupement entouré de barbelés électrifiés à El Milia. Vous n’imaginez pas les traitements qui étaient réservés aux femmes. Trois adjudants les « interrogeaient » régulièrement dans leurs chambres. En mars 1961, j’en ai vu quatre agoniser dans une cave pendant huit jours, torturées quotidiennement à l’eau salée et à coups de pioche dans les seins. Les cadavres nus de trois d’entre elles ont ensuite été balancés sur un talus, au bord de la route de Collo. »[102]
« L’évidence était apparemment répandue : les Algériennes étaient des femmes qui pouvaient être violées. C’est ce que notait par exemple un pasteur en 1956 à propos de secteurs où « le viol devient une manière de pacification » »[101]
« C’est la femme elle-même qui est visée. Le désir y est moins sexuel que volonté de possession et d’humiliation. À travers la femme, bousculée, violentée, violée, les militaires atteignent sa famille, son village, et tous les cercles auxquels elle appartient jusqu’au dernier, »[101]
Néanmoins, toujours selon Raphaëlle Branche, pour autant que les archives permettent de le savoir, « aucun texte n’autorise à conclure à une volonté politique ou stratégique prônant les viols pour asseoir la puissance française en Algérie ; aucun document même ne tente d’en recommander l’usage ou de laisser les soldats s’y livrer. »[101] Le viol est totalement interdit dans l’armée française étant un crime au regard du code pénal. Si rares sont les viols qui arrivent à la connaissance des autorités supérieures, ces « viols signalés à l’autorité militaire semblent avoir été sanctionnés disciplinairement et leurs auteurs peuvent même avoir été déférés devant la justice militaire. En tout cas, les quelques enquêtes connues sur des viols aboutissent toujours à des sanctions et à des inculpations »[101].
Elle ajout en revanche que malgré les interdictions les viols survenaient tout de même très régulièrement : « Les viols ont été nombreux en Algérie même s’ils sont demeurés officiellement interdits et ont pu être sanctionnés. Dans certains endroits, néanmoins, ils semblent avoir été particulièrement massifs. Il faudrait toutefois encore travailler sur ce point. Les témoignages sont rares et les sources peu abondantes. Mouloud Feraoun, commentateur des progrès de la guerre dans sa Kabylie natale, constitue sur ce point une source exceptionnelle. Dans son journal, il décrit le viol comme une pratique courante en Kabylie7et évoque bien le lien entre fouille et viol: «Lorsque les militaires les délogent de chez eux, les parquent hors du village pour fouiller les maisons, [les hommes du village] savent que les sexes des filles et des femmes seront fouillés aussi »[103]
Comme le souligne Catherine Brun universitaire à la Sorbonne, « Le viol de guerre est une violence politique – c’est-à-dire en dernière instance, à cette époque, une affaire d’hommes. À l’inverse, en choisissant de l’ignorer, de l’effacer, les Algériens déniaient à l’armée française son pouvoir destructeur, alors que la sape était à l’œuvre quotidiennement. »[103]
« En Algérie, la guerre a réactivé des germes existants, ceux d'un discours raciste sur les indigènes, ces sauvages, qui fantasme une hystérie des femmes et une hyper-virilité des hommes. Ces viols étaient aussi intégrés dans une stratégie militaire de terreur. Et de ces exactions là, les Algériennes, telles Louisette Ighilahriz, qui finit par briser le silence dans la douleur, n'ont pu parler pendant des décennies. »[104]
Fouilles, dévoilement et tentatives de sexualisation des Algériennes
Les autorités coloniales, soucieuses d'abord de ne pas laisser échapper des hommes cachés sous vêtements féminins, ont mené des fouilles à corps dans le but particulier de contrôler le sexe des femmes. Ces fouilles pouvaient aller d'une palpation sur les vêtements jusqu'à l'obligation faite aux Algériennes de soulever leur robe. C'était le cas notamment pour les femmes de maquisards soupçonnées de continuer à voir leurs maris : un pubis rasé étant tenu pour preuve de relations sexuelles récentes, vérifier la longueur des poils pubiens devenait un aspect de la recherche du renseignement[105].
Certains soldats français, épouses de soldats et colonels portaient un regard sexiste sur les corps des Algériennes, sexualisant le voile que certaines portaient et les incitant (voire les forçant) à l'ôter :
« Parmi les grands thèmes qui caractérisent la représentation des Algériens musulmans par la métropole – l’étrangeté ([Algérien] incompréhensible, impénétrable, inquiétant aussi); la religion (un Islam fait d’adorateurs et de sacrificateurs étranges); la fainéantise,etc. – la sexualité occupe une place importante. Malek Chebel la décrit comme excessive, archaïque, présentimentale. L’homme [Algérien] y est vu comme polygame et polysensuel tandis que la femme, obstinément voilée, se dérobe toujours au regard occidental – d’où l’importance du dévoilement opéré dans les cartes postales. Si l’angoisse et le désir se mêlent dans la relation ambiguë qu’entretiennent les Occidentaux avec l’Autre maghrébin, cette ambiguïté est particulièrement présente dans l’image des femmes, dont le voile est comme le symbole de ce pays qui se dérobe et qu’on dévoile, sans arriver à le dominer, sans arriver surtout à combler la peur qu’on a de lui. En outre, dans le face-à-face social des hommes entre eux, le Français est dans une situation diminuée face à l’Algérien: à lui, dont la femme est visible par tous et offerte aux désirs des autres hommes, on refuse le pouvoir de voir les femmes algériennes. Maurice Viollette, gouverneur général de l’Algérie dans les années 1920, a d’ailleurs décrit cette frustration des hommes européens comme étant un des éléments de la situation coloniale. »[103]
« Ce voile, (...), va devenir l’enjeu d’une bataille grandiose, à l’occasion de laquelle les forces d’occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes et les plus diverses, et où le colonisé déploiera une force étonnante d’inertie. La société coloniale, prise dans son ensemble, avec ses valeurs, ses lignes de force et sa philosophie, réagit de façon assez homogène en face du voile. Avant 1954, plus précisément depuis les années 1930-1935, le combat décisif est engagé. Les responsables de l’administration française en Algérie, préposés à la destruction de l’originalité du peuple, chargés par les pouvoirs de procéder coûte que coûte à la désagrégation des formes d’existence susceptibles d’évoquer de près ou de loin une réalité nationale, vont porter le maximum de leurs efforts sur le port du voile, conçu en l’occurrence, comme symbole du statut de la femme algérienne. Une telle position n’est pas la conséquence d’une intuition fortuite. C’est à partir des analyses des sociologues et des ethnologues que les spécialistes des affaires dites indigènes et les responsables des Bureaux arabes coordonnent leur travail. À un premier niveau, il y a reprise pure et simple de la fameuse formule : "Ayons les femmes et le reste suivra". »[104]
Exécutions sommaires
« Les exécutions sommaires étaient fréquentes, notamment lors des « corvées de bois » où on laissait le prisonnier filer avant de l'abattre pour « évasion ». L'armée a aussi arrêté puis fait disparaître des milliers d'Algériens, mais quasiment pas d'Européens comme Maurice Audin, « un cas rarissime », note Sylvie Thénault. Saura-t-on un jour quel sort a été réservé à ces combattants, sympathisants ou simples civils arrachés à leur village? Combien ont été torturés avant d'être mis à mort? Jeudi, le président a parlé d'un « système institué légalement », faisant écho aux aveux du général Massu au « Monde » en 2000 : « La torture, assurément répréhensible, était couverte, voire ordonnée, par les autorités civiles ». »[106]
Usage de Napalm
« Pendant cette guerre, la France a utilisé du napalm, miné massivement le territoire, dressé des barrages à 20 000 volts aux frontières et parqué des populations entières dans des camps de regroupements. « Un quart des huit millions d'Algériens ont dû partir de chez eux, c'est colossal », explique Sylvie Thénault.
Jusqu'au bout, la logique de cette guerre aura été celle de la terreur. » [106]
Chronologie
La IVe République et la conduite des affaires algériennes (1954-1958)
Déclenchement de l'insurrection le 1er novembre 1954 et État d'urgence
Le , dans une modeste villa du Clos Salambier, un quartier musulman d'Alger, vingt-deux Algériens (les « Cinq » du début, Mostefa Ben Boulaïd, Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M'Hidi, Mourad Didouche et Rabah Bitat, ont beaucoup recruté) se prononcent « pour la révolution illimitée jusqu'à l'indépendance totale ». C'est de ce jour-là que date véritablement la Guerre d'Algérie. Les chefs de régions sont désignés: Aurès-Némentchas : Ben Boulaïd, département Nord-Constantinois : Rabah Bitat, Kabylie : Krim Belkacem, Algérois-Orléansvillois : Mourad Didouche, Oranie : Larbi Ben M'Hidi. Fin octobre, ces cinq responsables décident de créer l’« ALN » (Armée de libération nationale)[107].
Le , le C.R.U.A. se transforme et devient le F.L.N. : « Front de libération nationale ». Les revendications de l'organisation comportent : reconnaissance de la nationalité algérienne, ouverture de négociations, libération des détenus politiques. Les Français demeurant en Algérie pourront choisir leur nationalité, Français et Algériens obtenant des droits égaux[107]. Sont définis les cibles qui devaient être attaquées dans la nuit du au 1er novembre. Ils avaient prévu, en accord avec la Délégation extérieure, d’en faire l’annonce à la radio du Caire le jour du déclenchement de la Révolution.
Jour « J », 1er novembre : la « Toussaint rouge »
Plus de trente attentats ont lieu, dans la nuit du au , en différents points du territoire algérien. Bilan : huit tués, dont pour moitié des civils, et des dégâts matériels. L'opinion s'émeut surtout de l'attaque du car Biskra-Arris, dans les Aurès, principal foyer de l'insurrection : deux passagers, le caïd Hadj Sadok, ancien lieutenant de l'armée française, et l'instituteur Guy Monnerot sont abattus. Une proclamation diffusée dans la presse revendique ces actions au nom d'un mystérieux groupe : le FLN, Front de libération nationale. Son but : l'indépendance d'un « État algérien souverain démocratique et social dans le cadre des principes islamiques ». Et ce, « par tous les moyens »[108]. Personne, en France ou en Algérie, ne pense qu'une guerre vient de commencer.
Président du Conseil depuis le , Pierre Mendès France est surpris par la révolte algérienne. Il affirme aussitôt avec force que « l'on ne transige pas quand il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation, l'unité et l'intégrité de la République » Son ministre de l'Intérieur, François Mitterrand, en visite en Algérie le réagit brutalement : « l’Algérie, c’est la France !, la négociation avec les rebelles c'est la guerre. » Des renforts sont acheminés, des milliers de nationalistes arrêtés. Mais 99 % d'entre eux n'ont aucun rapport avec le FLN. Car Mitterrand, à l'image de presque tous les responsables, se trompe : il croit que les attentats sont liés au MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques), le parti du vieux nationaliste Messali Hadj, et que leur tête pensante est au Caire, autour de Ben Bella[réf. nécessaire].
Pierre Mendès France propose aussi un plan de réformes en faveur des musulmans, ce qui occasionne sa chute, le . Son tombeur est René Mayer, député de Constantine, représentant de la ligne dure des pieds noirs : foin des réformes, d'abord la répression[107]. Alors que la chambre vote la défiance, Mendès France écarté du pouvoir a ces mots : « en Afrique du Nord… soit il y aura une politique de réconciliation… soit une politique de force et de répression - avec toutes ses horribles conséquences »[109].
Premiers mois du conflit
Dans les premiers temps, les hommes du FLN visent principalement les musulmans proches des Européens. De à , 414 attentats font 104 tués et 86 blessés musulmans. Le but de ces opérations est de terroriser la population indigène francophile et de séparer les deux populations[110]. Les Européens ne sont pas visés en tant que tels, mais en tant que représentants de l'ordre colonial comme les policiers, les élus et les fonctionnaires. Néanmoins, rapidement, des civils sont également victimes des embuscades[110].
Après quelques mois, les rebelles sont en difficulté cernés par des forces de police beaucoup plus nombreuses. En dehors du Nord-Constantinois, le calme règne[110].
Massacres du Constantinois (20-26 août 1955)
Du 20 au , la guerre change radicalement de visage avec les évènements sanglants qui secouent le Nord du département de Constantine et plus particulièrement la ville de Philippeville où surviennent de terribles massacres de civils.
Les massacres ont éclaté à l'initiative de Youcef Zighoud, responsable du Nord-Constantinois du FLN dans le but de relancer un mouvement qui s'essouffle et de contrecarrer les avances faites par Jacques Soustelle, délégué général du gouvernement français en Algérie, en creusant un infranchissable fossé de sang entre les Algériens et les Français par des massacres aveugles[111].
Dans la zone Collo-Philippeville-Constantine-Guelma, moins de 300 combattants de l’ALN s’attaquent sans grand succès à des gendarmeries et des postes de police. Ils encadrent plusieurs milliers de paysans mal armés mobilisés de gré ou de force qui se lancent à l’assaut d’une trentaine de villes et villages et assassinent à coup de haches et de pioches Européens ou indigènes favorables à la France. 117 Européens sont tués ainsi qu'une centaine de musulmans francophiles et 47 membres des forces de police. La presse est indignée par les exactions d'El Halia où 39 Européens ont été égorgés dont dix enfants et trois bébés de moins de deux ans[110].
La réponse des autorités françaises est démesurée et touche des innocents[110]. L'aviation bombarde les douars des environs, plus particulièrement le hameau du Béni Malek. Des civils armés font eux-mêmes acte de vengeance dans une répression aveugle. Le nombre de victimes atteint plusieurs milliers : entre trois et sept mille cinq cents morts[112],[113],[114].
L'indignation suscitée par ces massacres de civils a attiré l'attention de l'opinion internationale sur le combat algérien pour l'indépendance réalisant l'un des buts poursuivis par le FLN, qui voulait par ailleurs semer la peur dans les rangs de l'ennemi, des colons et de leurs auxiliaires musulmans[115] et réduit à néant tout espoir de paix[116].
Pour beaucoup d'historiens, ce sont les massacres d' et non pas de ceux de Sétif () qui marquent le vrai passage de l'insurrection vers la guerre à outrance comme unique moyen de parvenir à se faire écouter des autorités coloniales françaises.
Soustelle à Alger (1955-janvier 1956)
Pierre Mendès France nomme Jacques Soustelle gouverneur de l'Algérie. Gaulliste réputé de gauche, cet universitaire connu définit sa politique par le terme d'intégration : égalité des droits entre musulmans et Européens. Cette volonté de réformes n'empêche pas l'intensification des activités militaires. Constatant la faiblesse et la mauvaise volonté de l'administration, Soustelle invente les Sections administratives spécialisées (SAS), dirigées par des jeunes officiers, et qui ont pour but d'améliorer le sort matériel des musulmans. C'est le premier pas dans l'implication socio-politique[117].
Il lui faudra mettre en œuvre le plus rapidement possible des réformes, en particulier rendre effectif le statut de 1947, resté lettre morte. Il devra donc appliquer une politique d'intégration de la population musulmane, qui doit bénéficier des mêmes droits que la communauté européenne d'Algérie ou de la métropole. Cette politique va susciter l'opposition de nombreux pieds-noirs, d'autant que Soustelle se propose de réorganiser l'administration algéroise, d'où une autre levée de boucliers contre lui. Le nouveau gouverneur doit enfin surmonter un autre handicap : il a été nommé par Pierre Mendès-France, homme fort peu apprécié de la communauté européenne d'Algérie qui le soupçonne de pratiquer une politique d'abandon de l'Algérie, comme il lui est reproché de l'avoir fait pour l'Indochine, la Tunisie et le Maroc. Soustelle parviendra cependant à gagner en popularité et lors de son départ en , une immense foule de Pieds-Noirs l'accompagnera jusqu'à l'avion devant le ramener en France.
Journée des tomates (février 1956)
Le , à la suite des élections législatives, l'Assemblée nationale investit le gouvernement Guy Mollet qui entre en fonction le . Le , le général Georges Catroux est nommé ministre résident général en Algérie en remplacement de Jacques Soustelle, le départ de ce dernier provoque une forte mobilisation de soutien à Alger : la foule le suit jusqu'au quai d'embarquement et déborde le service d'ordre ; monsieur Soustelle est obligé d'emprunter une échelle volante pour se rendre à bord du bateau le ramenant en métropole[118]. Les jours suivants, les ultras, menés par Jean-Baptiste Biaggi, préparent la venue imminente du président du Conseil[119].
Le , le voyage à Alger de Guy Mollet (Front républicain), selon ses termes « pour étudier sur place la situation »[120], provoque un incident passé à la postérité sous le nom de « journée des tomates ». Lorsque le cortège officiel se rend au monument aux morts d'Alger, il est conspué et accueilli par une foule hostile menée par le Comité d'Entente des Anciens Combattants[121] qui lui lance, entre autres, tomates et quolibets en signe de mécontentement face à la nomination du général Catroux[122]. La voix des maires d'Alger est relayée dans la presse locale, c'est la célèbre formule de L'Écho d'Alger : « le maintien du général Catroux signifierait l'effondrement de l'Algérie »[123], ce à quoi le journal socialiste Le Populaire répond que « les pressions des ultras, les démonstrations de force et de violence seront sans efficacité »[124]. À la suite de la journée des tomates, Georges Catroux présente sa démission à René Coty pour éviter d'« entrer en conflit de conception et d'action sur un problème national capital avec ses anciens compagnons d'arme »[123]; le général Catroux est remplacé par Robert Lacoste.
Le Maroc et la Tunisie indépendants (mars 1956)
À la suite des accords de La Celle-Saint-Cloud, le gouvernement français reconnaît l'indépendance du Maroc le , puis, le de la même année, celle de la Tunisie (avec ses «dépassements»)[125],[126]. Inévitables, ces deux événements n'en fournissent pas moins au FLN deux bases arrière « sanctuarisées ».
Opération Oiseau bleu (1956)
Deux années après l'insurrection de la Toussaint 1954, le commandement français s'inquiète de l'activité du FLN dans la région de la Kabylie et décide de monter des commandos qui débusqueraient les maquisards de Krim Belkacem. Dans le courant de 1955, Henry Paul Eydoux, conseiller technique au cabinet du gouverneur général Jacques Soustelle a l'idée de monter un « contre-maquis » en Kabylie maritime. L'opération K, dite habituellement par la suite Oiseau Bleu a pour but de recruter des hommes en Kabylie, de les équiper en armes (environ 300 seront livrées) et de monter une contre insurrection contre le FLN. Elle est confiée à la DST puis au Service de renseignement opérationnel (SRO)[127]. L'opération échoue complètement, l'argent et les armes sont détournés au profit du FLN[128].
L'opération Djenad, montée par la 27e DIA du 9 au dans la forêt d'Adrar, permet au 3e RPC du général Bigeard de mettre hors de combat 130 rebelles.
Après dix mois de calme, la Grande Kabylie s'embrase grâce en partie aux armes, aux équipements et à l'argent fournis par la France.
Massacre de Beni Oudjehane (mai 1956)
Le massacre est commis le , par une unité de l'armée française, le 4e bataillon de chasseurs à pied (4e BCP), qui a massacré 79 villageois Algériens du hameau du Beni Oudjehane qui comptait 300 habitants, situé dans la presqu’île de Collo non loin d'El Milia dans la wilaya de Jijel, (ex Département de Constantine).
Ce drame resurgit en 2013 avec une enquête, menée conjointement en France et en Algérie par une historienne Claire Mauss-Copeaux et deux blogueurs, André, un ancien militaire français appartenant au 4e BCP et Nour, un enseignant algérien de la région d'El Milia, qui se sont donné pour but de reconstituer ce qui s’est passé ce jour du [129].
Palestro (avril-mai 1956)
Près de Palestro, à 70 km à l'est d'Alger, le , 19 soldats du contingent sont tués dans une embuscade. La presse se fait l'écho de cet accrochage sanglant. Les cadavres mutilés frappent l'opinion. « Palestro restera comme la plus célèbre embuscade de la guerre, le symbole de ce qui peut arriver de pire : l'attaque surprise, l'impossibilité de se défendre, la mutilation des cadavres. La hiérarchie militaire saura d'ailleurs utiliser ce traumatisme pour vaincre les réticences »[130]. Dans l'après-midi qui suit la découverte des cadavres français, « quarante-quatre Algériens sont liquidés sommairement » alors que « la majorité, de l'aveu même des autorités militaires, sont des fuyards qui cherchent à échapper à l'encerclement organisé par les troupes françaises au nord de l'embuscade »[131].
Au même moment, Guy Mollet envoie de nombreux appelés en Algérie. L'émotion est intense en métropole. Le conflit apparaît sous un jour nouveau. L'Algérie n'est plus, comme l'Indochine, un conflit lointain mené par des professionnels mais une affaire intérieure française à laquelle chacun participera, via un fils, un frère, un mari. Du coup, l'opinion métropolitaine devient potentiellement l'acteur principal du drame.
Wilayas et Congrès de la Soummam (août 1956)
Dès le mois de , le dirigeant du FLN Ramdane Abane conduit des rencontres avec ceux qui désirent participer à la guerre pour l'indépendance. Un accord entre le Parti communiste algérien (PCA) et le FLN est négocié par Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjerès. Il n'admet l'adhésion de communistes au FLN qu'à titre individuel et non en tant que groupe[133]. La collaboration entre le PCA et le FLN est néanmoins loin d'être sans heurts. Différents combats ont opposé les rebelles communistes et ceux du FLN sur le terrain[134] ». Le PCA sera progressivement marginalisé par le FLN durant la guerre.
Les leaders FLN d'Alger et surtout parmi eux, Abane Ramdane, ont pensé, très tôt, à réunir une vaste assemblée de cadres qui permettrait au FLN d'affirmer sa cohésion, de préciser sa doctrine et de définir concrètement ses structures organisationnelles. À la fin du mois de , Saad Dahlab a rencontré en grand secret, dans le Constantinois, le chef de la zone 2, Zighout Youssef, et son adjoint Lakhdar Bentobal et il leur a soumis cette idée, qui a été favorablement accueillie. Larbi Ben M'hidi, en mission au Caire à la même époque, a fait part du projet à la « délégation extérieure du FLN », qui a accepté le principe d'un grand rassemblement clandestin de responsables FLN sur le sol algérien, et qui a même remis à l'envoyé spécial d'Alger en prévision de cette réunion, un texte politique dit « rapport Khider ». Ce n'est cependant qu'à la fin du printemps de 1956 que la préparation du congrès de la Soummam entre dans une phase active. Abane Ramdane et Krim Belkacem envoient des messages à tous les chefs de zone pour leur demander d'envoyer des délégués à une « rencontre préliminaire » dans une forêt de la région montagneuse des Bibans, aux confins de la Kabylie. La discussion sur le « projet de plate-forme politique » permet à Abane d'insister fortement sur les principes fondamentaux qui inspirent son programme[135].
- Le premier - primauté du politique sur le militaire - est d'autant plus facilement accepté par les « patrons » des zones que ceux-ci sont des chefs à la fois politiques et militaires, des militants du FLN et des combattants de l'ALN, et que, de ce fait, la directive « le parti commande aux fusils » leur convient bien.
- Le second principe - primauté de l'intérieur sur l'extérieur - fait lui aussi l'unanimité, car tous les chefs de maquis présents se plaignent de ne pas avoir reçu les armes et les fonds qui devaient être acheminés depuis l'Égypte et ils applaudissent au réquisitoire de Ben Tobbal contre l'insuffisance de l'aide apportée par l'équipe du Caire. Abane Ramdane, dans ces conditions, ne rencontre aucune objection lorsqu'il propose de réduire pratiquement le rôle de la délégation extérieure à celui d'une sorte d'ambassade représentant le FLN à l'étranger. Le nouveau pouvoir dirigeant sera celui que créera la résistance algérienne sur le sol national. Lui seul sera habilité à traiter avec la France[135].
Principal organisateur du congrès de la Soummam, Ramdane trace ainsi les grandes lignes du mouvement révolutionnaire consistant à créer un État dans lequel l'élément politique l'emporte sur l'élément militaire[135].
Expédition de Suez de 1956
En 1956, la France qui soupçonne le colonel Nasser de soutenir le FLN en moyens et en armes s'engage dans l'expédition du canal de Suez, ce qui gèle ses relations avec les pays arabes et l'URSS[136][réf. non conforme]. Par ailleurs, l’état hébreu a étroitement collaboré avec les services spéciaux français. Des rencontres ont régulièrement lieu entre les responsables des services secrets des deux nations qui permettent d’échanger des informations capitales au sujet de l'appui militaire que l’Égypte apporte aux nationalistes Algériens[137].
Avec l'aide d'Israël et du Royaume-Uni, les parachutistes français battent les Égyptiens et reprennent le contrôle du canal de Suez mais le président de l'URSS Nikita Khrouchtchev menace de faire usage de l'arme nucléaire contre Londres et Paris si le corps expéditionnaire anglo-français ne se retire pas d'Égypte[136]. Les États-Unis font alors pression sur le premier ministre britannique Anthony Eden en le menaçant de dévaluer la monnaie de son pays si ses troupes ne se retirent pas d'Égypte, ce qu'elles feront ainsi que leurs alliés français (la flotte du corps expéditionnaire est placée sous haut commandement britannique)[136].
Détournement de l'avion du FLN (octobre 1956)
Le à Rabat, cinq dirigeants du Front de libération nationale (FLN) prennent place à bord d'un DC-3 de la compagnie Air Atlas-Air Maroc. Ahmed Ben Bella, Hocine Aït Ahmed, Mostefa Lacheraf, Mohamed Khider et Mohamed Boudiaf, devaient initialement prendre place à bord de l'avion du sultan du Maroc, Mohammed V. Les cinq hommes doivent se rendre à Tunis pour un sommet organisé par Habib Bourguiba[138],[139].
Les services secrets français du SDECE ont eu connaissance de la date exacte du voyage et organisent son détournement[138],[139] qui peut avoir des conséquences diplomatiques, l'avion appartenant au sultan du Maroc[138],[139]. L'opération est réalisée sans prévenir Guy Mollet le président du conseil, ni apparemment Robert Lacoste, ministre résident en Algérie.
Avec les chefs du FLN, les autorités saisissent des documents apportant la preuve formelle de l'aide égyptienne au FLN. Mais la révélation de ce soutien ne suffit pas à calmer le jeu, bien au contraire. Au Maroc, de violentes émeutes anti-françaises font une soixantaine de morts, les victimes, toutes européennes, ayant été massacrées. De son côté, le sultan durcit sa position en rappelant son ambassadeur en poste à Paris[138],[139]. Habib Bourguiba adopte une position analogue et, dans le monde arabe, la France est sévèrement jugée. La presse française de gauche est d'une extrême virulence, Alain Savary secrétaire d'État aux Affaires marocaines et tunisiennes démissionne. Bruno de Leusse, ambassadeur de France à Tunis, quitte lui aussi ses fonctions.
Pour le FLN, la capture de Ben Bella et de ses compagnons n'est pas une perte irrémédiable, car les cinq hommes sont des politiques qui peuvent être assez facilement remplacés. La rupture des relations avec la France est en revanche un coup dur pour les deux parties. Si en effet le FLN est désormais assuré de recevoir une aide puissante de l'Égypte, de la Tunisie et du Maroc, il n'a plus de dialogue direct avec la France. De son côté, Guy Mollet est furieux. L'opération s'est faite sans qu'il ait été informé et les négociations engagées secrètement à Rome avec le FLN sont rompues. La France est condamnée à une victoire militaire totale ou à l'abandon pur et simple de l'Algérie[réf. nécessaire].
Intensification des hostilités (1957-1958)
L'année 1957 voit le déroulement de la bataille d'Alger. Sous les ordres du général Massu, la 10e division parachutiste fait du maintien de l'ordre dans la capitale. Les parachutistes (8 000 hommes) parviennent à anéantir les poseurs de bombes. Le FLN perd la bataille et sa structure dans la capitale est détruite.
D'autres actes vont rester liés à François Mitterrand, la condamnation de Fernand Iveton le , où François Mitterrand, qui était garde des Sceaux[140] au moment du procès, refusant le recours de l'avocat d'Iveton, en donnant un avis défavorable[141].
Dans le même temps, le général Salan organise la contre-guérilla grâce à des techniques de quadrillage. Moins entrainés, les hommes du contingent ainsi que nombre de réservistes plus âgés sont le plus souvent cantonnés dans des casernes ou à établir des missions de surveillance tandis que les troupes mobiles organisent, sur le terrain, l'éradication des maquis[142]. Des ratissages et des opérations de recherche-destruction sont menés en permanence à l'aide d'hélicoptères. Des centaines de hameaux sont investis par les forces spéciales à la recherche de caches d'armes de la guérilla indépendantiste donnant lieu à un nombre élevé de dérapages.
Bataille d'Alger (7 janvier - 24 septembre 1957)
La Casbah, le maquis urbain
Depuis 1954, accrochages et embuscades se succèdent dans le bled. L'attention se focalise sur les campagnes, notamment dans les Aurès et la Kabylie. Mais à partir de 1956, la direction du FLN s'oriente vers l'offensive urbaine et décide de faire de la capitale le théâtre d'une épreuve de force. Le but est de frapper au cœur de l'appareil colonial, de manière beaucoup plus spectaculaire. Il s'agit de démontrer la force du FLN aussi bien aux yeux de l'opinion publique française que de celle des pays étrangers. Les chefs nationalistes : Ramdane Abane, Krim Belkacem, Larbi Ben M'Hidi, Saad Dahlab et Benyoucef Benkhedda, s'installent donc clandestinement dans la Casbah d'Alger. Les cinq hommes créent la Zone autonome d'Alger (ZAA) et commencent par se répartir les tâches de la façon suivante : Ben Khedda se réserve les contacts avec les Européens et la direction de la nouvelle zone autonome d'Alger, détachée désormais de la wilaya IV, Dahlab, la propagande et la direction du journal El Moudjahid, Ben M'Hidi choisit d'être responsable de l'action armée à Alger (il est donc le supérieur direct de Yacef Saadi), Krim Belkacem s'attribue les liaisons avec toutes les wilayas, ce qui fait de lui le chef d'état-major et le stratège de la lutte armée; Abane Ramdane enfin, devient le responsable politique et financier, c'est-à-dire, en fait, le no 1 en dépit de la collégialité voulue par les « cinq »[143].
Alger, capitale de l'Algérie, vaste agglomération de près d'un million d'habitants, est en effet le symbole de la réussite française en Algérie. Centre nerveux de l'administration, elle est la principale place des affaires, le premier port, le plus grand aéroport. Surtout, elle abrite une partie importante des Français d'Algérie. Et c'est là que la presse française et internationale vient chercher ses informations. La ville symbolise aussi la situation du pays. Quoique française dans sa majorité Alger a toujours conservé un quartier « arabe », la célèbre Casbah. De plus, l'explosion démographique qui touche la population musulmane a entraîné l'installation, à la périphérie, de masses croissantes de prolétaires qui peuplent les bidonvilles.
Le dispositif du FLN repose sur un petit nombre de militants plus de 2000 à peu près qui ont su tisser, par la conviction ou la peur, un vaste réseau de soutiens et de complicités. Un groupe qu'on appelle « réseau bombes » chargé de la fabrication de bombes préréglées (dites « à retardement ») est mis sur pied. Pour les poser, on choisit des jeunes femmes, moins susceptibles d'éveiller les soupçons et ils dépendent tous d'un autre chef algérois nommé Yacef Saadi un fils de la Casbah. Les services de police enregistrent 26 515 attentats attribués au FLN durant l'année 1956[143].
Les attentats créent depuis une véritable psychose. Les engins meurtriers font blessés et morts dans toute la grande agglomération. Le FLN présente son action comme une riposte. C'est sa réponse aux premières exécutions de ses militants FLN condamnés à mort et guillotinés dans la fameuse prison Barberousse et aussi à l'attentat meurtrier de la rue de Thebes dans la Casbah le qui a tué entre 15 et 70 personnes et fait au moins 40 blessés[110]. Cet attentat a été perpétré par des « ultras - activistes » pieds noirs de l'Organisation de la résistance de l'Algérie française (ORAF) de La Main rouge.
Le but du FLN est de faire régner une atmosphère d'insécurité générale, en multipliant attentats individuels et poses de bombes destinées à tuer des civils européens[143].
Au total, dans le grand Alger, le bilan officiel des attaques du FLN en quatorze mois est de 751 attentats, 314 morts et 917 blessés[110].
Les paras dans la ville
Le gouvernement français décide de réagir et donne pour mission au général Massu de rétablir l'ordre. Il est fait appel à la 10e division parachutiste. Ses quatre régiments s'ajoutent aux éléments déjà sur place, notamment la police, la gendarmerie et les fantassins du 9e régiment de zouaves qui surveillent la Casbah. En tout, ils sont près de 10 000 hommes. Bien entraînés et très bien encadrés, les 4 000 paras sont spécialisés dans la lutte contre la guérilla. Leurs officiers se sentent profondément impliqués dans le conflit, très sensibles à sa dimension tant politique que militaire. Et beaucoup d'entre eux ont réfléchi aux techniques de la guerre subversive, notamment à partir de l'expérience indochinoise[144].
La riposte
Le , les paras entrent dans Alger, c'est le début de la bataille d'Alger. Chaque régiment s'attribue le contrôle d'un quartier, sous l'autorité du général parachutiste Jacques Massu qui a reçu tous les pouvoirs de police sur l'ensemble de l'agglomération algéroise. Grâce au fichier des renseignements généraux, les hommes de Massu établissent des listes de « suspects » en relation avec l'organisation clandestine. Ils sont interrogés, sommés de donner le nom du collecteur de fonds du FLN auquel ils versent leur cotisation. Grâce à ces informations, les militaires remonteront ensuite vers des chefs plus importants. Par la suite, les militaires vont interpeller de plus en plus d'Algériens, du militant qui peut détenir des informations très importantes au simple sympathisant[144]. Les énormes opérations de contrôle effectuées quartier par quartier vont se révéler très efficaces.
En riposte, les responsables du FLN préparent une grève générale fixée au . La date coïncide avec l'ouverture, à l'assemblée générale de l'Onu, d'un débat sur la question algérienne. C'est le moment idéal pour attirer l'attention de l'opinion publique internationale. Cette grève pourrait constituer le début, ou au moins la répétition générale, d'un vaste mouvement insurrectionnel fatal à la cause française.
Pour obtenir les renseignements, l'armée française utilise interrogatoires musclés, pressions morales, menaces sur les familles. Mais, la menace des bombes pousse à exiger des réponses rapides pour prévenir de prochains attentats. Elle incite à recourir à des méthodes brutales, d'autant plus facilement que certaines officines de la police et des services de renseignements de l'armée les utilisent déjà. Simples bousculades, violences mais aussi actes de torture devant la famille de la personne impliquée font partie du quotidien. Et les erreurs sur les personnes, parfois dues à de simples homonymie, ne sont pas rares[144]. Le recours à la torture est très rapidement dénoncé en métropole par les plus grands organes de presse[145] et par les activistes du Parti communiste français comme Henri Alleg.
Dans le même temps, les officiers s'efforcent de prendre en main la population musulmane pour l'arracher au contrôle du FLN. La Casbah est divisée en groupes d'immeubles ou « îlots » (d'où « l'ilotage » donné au système). À chacun d'eux est affecté un habitant responsable, désigné par l'autorité, et chargé de servir à la fois de relais et d'informateur[144]. Le quadrillage de la ville a permis également de stopper le contre-terrorisme européen[110].
La défaite du FLN
Les succès obtenus sont indéniables. Le , la tentative de grève générale dite « Grève de huit jours » est brisée par des méthodes expéditives : les ouvriers et les employés sont conduits au travail sous la contrainte. Les volets des magasins demeurés fermés sont arrachés et leur contenu livré au pillage[réf. nécessaire].
Nombre de responsables FLN sont arrêtés : Larbi Ben M'hidi le . Le , la direction du FLN (Zone autonome d'Alger), menacée elle aussi d'arrestation, doit quitter Alger pour l'étranger, avec son leader, Abane Ramdane et les autres trois nationalistes Krim Belkacem, Saâd Dahlab et Benyoucef Benkhedda.
Le « réseau bombes » est aussi démantelé. De 112 en janvier, le nombre d'attentats passe à 29 en mars : le commandement français pense avoir remporté la victoire. Ce n'est pourtant qu'un répit. Le , une bombe explose près d'un arrêt de bus. Le , un attentat vise un dancing au Casino de la Corniche. Mais des opérations de « retournement » d'anciens militants du FLN sont mises en place[144].
Le , Yacef Saâdi le chef du « réseau bombes » et de la guérilla urbaine est arrêté et ses derniers compagnons ont péri dans leur cache de la Casbah dynamitée par la 10e division parachutiste. Ce fait d'armes marqua la fin de la bataille d'Alger.
Au total, la « guerre urbaine » du FLN se solde par un cuisant échec. Une partie des réseaux de la Zone autonome d'Alger est démantelée. L'autre partie est forcée à rentrer dans l'ombre et pour longtemps. En , l'armée française a éliminé 1 827 combattants du FLN dont plus de 200 ont été tués, 253 arrêtés, ainsi que 322 collecteurs de fonds, 985 propagandistes, 267 membres des cellules. 812 armes ont été saisies, ainsi que 88 bombes et 200 kilos d'explosif[110].
Massacre de Melouza (mai 1957)
La rivalité entre le Front de libération nationale (FLN) et le Mouvement national algérien (MNA) donne lieu au massacre de Melouza.
C'est en 1956 que le douar de Melouza, un bourg situé sur les hauts plateaux au nord de la ville de M'Sila, à la charnière du Constantinois et de la Kabylie, passe au FLN (Front de libération nationale)[146]. Néanmoins, l'importante population des Beni-Illemane suit le MNA (Mouvement national algérien) du « général » Mohammed Bellounis, partisan de Messali Hadj, rival du FLN. Ces troupes du MNA bénéficient de la neutralité, voire d'un soutien discret de l'armée française qui trouve là un moyen de contrer le FLN. Celui-ci, pour lequel la région de Melouza revêt une grande importance stratégique, s'en voit peu à peu éliminé[146],[147]. Certains émissaires sont abattus. Les clivages culturels enveniment le conflit, une grande partie de la population étant arabophone et supportant mal les exigences des maquisards kabyles.
À l'aube du , 400 hommes de l'ALN encerclent le village. À midi, la résistance bellouniste cesse, faute de munitions. Les djounouds de l'ALN font sortir les hommes du village et, à coups de crosse, au milieu des gémissements des femmes et des enfants, les font avancer, vers Mechta-Kasbah, petit hameau situé au-dessus du village. Tous les prisonniers sont abattus au fusil, au couteau, à coups de pioche[148],[146],[147].
Dans les maisons et les ruelles transformées en abattoir, l'armée française, à son arrivée sur les lieux deux jours plus tard, dénombrera 315 cadavres[148].
L'« encagement » de l'Algérie (septembre 1957)
Pour les combattants de l'Armée de libération nationale (ALN), l'approvisionnement en armes et en munitions est une question vitale. En , ils ne disposent que de 400 fusils de chasse.
En 1955, la situation n'évolue guère, car les troupes françaises présentes au Maroc et en Tunisie assurent la surveillance des frontières. Tout change en avec la proclamation de l'indépendance de ces deux pays. L'ALN en profite pour y installer des bases où arrivent les armes achetées à l'étranger.
Le plus difficile est de leur faire franchir la frontière, car la Marine nationale surveille étroitement la côte algérienne et le Sud saharien, très inhospitalier, est régulièrement survolé par l'aviation. Restent les frontières terrestres de l'est et de l'ouest. Le relief montagneux y est plutôt favorable à l'ALN et des bandes s'installent à cheval sur la frontière tunisienne.
En , elles compteront jusqu'à 1 200 hommes dont la majorité en Tunisie. En , le 2e bureau d'Alger estime que quatre bases sont constituées à l'est, deux à l'ouest et trois au sud du Maroc. Ce sont à la fois des centres de transit et des camps d'entraînement, des unités de guérilla et même des troupes régulières. À l'époque, les frontières sont assez perméables puisque, entre 1956 et 1957, 15 000 armes de guerre rejoignent l'Algérie à partir du Maroc et de la Tunisie.
Le commandement français comprend que pour vaincre l'Armée de libération nationale (ALN), il faut stopper les renforts venus de l'extérieur.
Le problème est que ces frontières sont très difficiles à surveiller : d'une part, elles sont très étendues et, d'autre part, elles traversent des régions montagneuses et des plateaux désertiques. De plus, il faut éviter de consacrer trop d'hommes à cette mission car, à l'intérieur de l'Algérie, l'armée doit consacrer de nombreux effectifs au quadrillage du terrain et à la pacification.
À l'origine, il n'est pas question d'établir un barrage continu, mais simplement d'affecter des détachements très mobiles à la surveillance des points de passage habituels de l'ALN. Mais cette tactique trouve rapidement ses limites et, en 1956, un réseau de barbelés de 4 m de large est établi sur la frontière marocaine. On s'aperçoit alors qu'il est impossible d'empêcher les combattants de l'ALN de passer sans tirer sur eux alors qu'ils n'ont pas encore franchi la frontière, eux-mêmes ne se gênant pas pour ouvrir le feu contre les troupes françaises depuis le territoire marocain.
Pour éviter la multiplication des incidents, le barrage est reporté de quelques kilomètres à l'intérieur. En même temps que l'on isole la frontière, on assure une meilleure protection de la voie ferrée Oran-Méchria, Aïn Sefra-Colomb Béchar, qui est l'objet de nombreux sabotages.
Le barrage lui-même est renforcé par de nombreux postes de surveillance fortifiés. Des mines ancrées au sol par des plaques de béton sont mises en place. Il est impossible à l'adversaire de les relever pour les réutiliser comme l'avait fait le Việt Minh pendant la guerre d'Indochine.
Dans la région de Maghnia à la frontière marocaine, un officier du Génie, le colonel Durr, expérimente un barrage électrifié sur une dizaine de kilomètres. Le résultat est si concluant que ce type d'obstacle va devenir la norme. On aura donc un réseau trapézoïdal de barbelés à l'intérieur duquel passe un courant électrique de 2 500 volts. En arrière de ce premier obstacle, une seconde ligne électrifiée à 5 000 volts précède un fouillis de barbelés, lui-même suivi d'un champ de mines et de piquets métalliques « tapis de fakir ». C'est du moins ce qu'on montre aux journalistes car, en 1956, le barrage est loin d'être terminé, Il faudra attendre le pour que les 900 km de la frontière ouest soient efficacement protégés[149].
À l'est, la défense a longtemps reposé sur les groupes d'intervention de l'Armée de terre, mais le développement de l'activité de l'ALN en Tunisie va bientôt imposer la construction d'un barrage similaire. La Tunisie est en effet dans une situation géographique encore plus favorable que le Maroc, puisque les armes que l'ALN achète à l'étranger transitent librement par la Libye. Comme à l'ouest, le barrage permettra de protéger la voie ferrée Bône-Tébessa-Negrine.
Par une directive du , André Morice, ministre de la Défense, accorde la priorité à ce barrage en y affectant crédits et effectifs, d'importants moyens de génies venus de métropole. Le barrage électrifié jusqu'à Tébessa doit être impérativement terminé en octobre 1957 puis, le 14, la décision est prise de le prolonger jusqu'à Negrine, d'abord par un réseau non électrifié mais couplé avec une surveillance par canons assistés de radars, ce que le terrain plat et dégagé au sud rend possible.
Commencée en , la « Ligne Morice » à la frontière algéro-tunisienne, formée de 2 haies centrales de 2,40 m de hauteur en haute tension de 5 000 volts, sera déclarée opérationnelle le , en même temps que la Ligne Pedron, nom qui a été donné au barrage ouest à la frontière marocaine. Il ne s'agit pas d'un obstacle infranchissable, mais les militaires l'apprécient car il représente pour eux une alarme signalant et localisant un franchissement. Les troupes interviennent alors avec éventuellement l'appui des blindés et de l'aviation. En arrière de la piste technique permettant aux électromécaniciens d'entretenir et de réparer la haie électrifiée, court une piste tactique destinée à la circulation rapide des blindés de surveillance. Les hommes surnommeront rapidement ce dispositif la « herse ». Et comme l'importance de la Ligne Morice est vitale, un second barrage est établi à partir de la fin 1958; il renforce la « Ligne Morice » en avant de laquelle il est installé[149].
Champs de mines des barrages électrifiés
De 1958 à 1962, pour une longueur totale de 1 200 km plus de 3 300 000 mines sont posées sur les barrages orientaux (« Ligne Morice » à la frontière algéro-tunisienne) soit plus du double que pour le barrage occidental. Le total cumulé pour la Guerre d'Algérie, selon le colonel Jacques Vernet, est de 6 200 000 mines (antipersonnel, 400 000 « mines bondissantes » et 230 000 « mines éclairantes »). Résultat : l'ALN perd 3 000 hommes sur le barrage Est et 600 sur le barrage Ouest, les troupes françaises déplorent 146 et 109 tués, Le barrage, ce sont donc aussi ces débris humains et animaux, projetés par l'explosion de mines sur les barbelés[151].
Sur les hauteurs d'Alger, le monument mémorial des Martyrs propose depuis le , dans une salle consacrée aux « Lignes Challe et Morice », un échantillonnage de tous ces engins sournois. Les mines qui se confondent avec le sol lessivées par les pluies, entraînées par les glissements de terrain, continuent de frapper hommes et bêtes sur les frontières occidentale et orientale de l'Algérie après l'indépendance.
En , lors de sa visite d'État en Algérie, le président Nicolas Sarkozy offre à son homologue algérien les plans des zones minées sur les barrages Est-Ouest.
Assassinat d'Abane Ramdane, premier crime politique entre dirigeants FLN (décembre 1957)
Fin , laminé lors de la bataille d'Alger, le Front de libération nationale (FLN) connait une passe difficile. Pour Krim Belkacem, le dernier de ses fondateurs encore vivant, il en va même de la survie de l'organisation. L'« historique » sonne donc le ralliement des chefs de l'Armée de libération nationale (ALN) contre les « politiques », rangés derrière Ramdane Abane, étoile montante de la révolution. Une coalition hétéroclite se forme autour de Krim Belkacem dont Lakhdar Bentobal et Abdelhafid Boussouf, habitué des pratiques policières qui sèment la terreur dans la population immigrée comme parmi les combattants[152]. Fort du principe de la prééminence du politique sur le militaire, Abane dénonce brutalement Boussouf une fois de plus lors de la réunion du Comité de coordination et d'exécution (CCE) en . C'est une fois de trop aux yeux de certains de ses opposants. La session du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) d' voit le triomphe de Krim Belkacem et la première résolution adoptée stipule : « Il n'y a pas de primauté du politique sur le militaire ni de différence entre l'intérieur et l'extérieur ». Désormais, la militarisation du FLN est totale : il n'aura aucune existence propre en dehors de l'ALN. Ainsi, note l'historien Mohammed Harbi, commence l'ère des seigneurs de la guerre. « À la direction, écrit-il, il n'y a plus de tendances politiques, mais des clans. Les liens d'intérêts personnels prennent la place des affinités politiques. Personne n'a de stratégie cohérente pour le présent et pour l'avenir. Le problème est de durer. Chacun se méfie de chacun et se préoccupe surtout de réagir à toute initiative pour pouvoir éventuellement la neutraliser. »[152],[153].
Vaincu, Ramdane Abane continue de gêner, car il s'obstine à dénoncer les dangers que font courir les « féodaux» à la révolution, menaçant de retourner bientôt dans le maquis pour reprendre en main la résistance intérieure. Le , ses adversaires, avec à leur tête Abdelhafid Boussouf, l'attirent dans un guet-apens au Maroc et l'étranglent avec un fil de fer dans une ferme près de Oujda. Maquillé par ses responsables en glorieuse mort au combat, cet assassinat inaugure une florissante tradition de meurtres entre dirigeants après l'indépendance[154],[153].
L'ALN malade de la « bleuite » (1958)
La « bleuite », appelée parfois le « complot bleu », est une opération d'infiltration et d'intoxication à grande échelle, montée par le SDECE (services secrets français) à partir de 1957. Cette opération consista à dresser des listes de prétendus collaborateurs Algériens de l'armée française et à les faire parvenir jusqu’aux chefs de l’Armée de libération nationale (ALN), le bras armé du FLN, pour y susciter des purges internes.
Fin 1957, après la bataille d'Alger, le FLN de la capitale est exsangue, et ses chefs morts ou en prison. Le colonel Amirouche le chef ALN de la wilaya III en Kabylie, entre en contact avec le dernier survivant des militants FLN de la Zone autonome d'Alger, Ghandriche, dit Safy « le Pur ». Il le charge de reconstituer son réseau aux côtés de deux autres hommes, Rani Mohamed à Alger et Kamal dans le maquis. Mais Safy et Hani sont des « retournés », de l'équipe des « bleus de chauffe » manipulés par un officier parachutiste Paul-Alain Léger des services du Groupe de renseignements et d'exploitation une branche du SDECE auprès de l'état-major Alger-Sahel qui a joué un grand rôle dans le démantèlement de la Zone autonome d'Alger durant la bataille d'Alger[155].
Cette opération d'intoxication entraînera d'importantes pertes humaines parmi les katibas des wilaya III et wilaya IV en particulier[156]. Ahcène Mahiouz, chef de la zone 1 de la wilaya III et adjoint du colonel Amirouche, s'étant fait ainsi intoxiquer, voit des traîtres et des espions partout (notamment les jeunes intellectuels, étudiants, médecins qui avaient rejoint le maquis) et fait torturer et liquider des centaines d'hommes et de femmes. Il réussit à convaincre le colonel Amirouche que la trahison règne partout et qu'il faut épurer massivement, ce dernier écrit aux chefs des autres wilayas, le pour les avertir[157],[158].
La « bleuite » fera plusieurs milliers de victimes. Des katibas de l’Armée de libération nationale (ALN) en sortent très affaiblies et hors d'état d'entreprendre des opérations pendant de longs mois. Quelques voix, telle celle de Mohand Oulhadj, futur chef de la wilaya III, essayèrent de faire entendre raison au colonel Amirouche Aït Hamouda. Les estimations des pertes sont de 3 000 personnes dans la wilaya III (Kabylie), 2 000 en wilaya I (Aurès), 1 500 en wilaya IV (Algérois) et 500 en wilaya V (Oranais)[158]. Une conséquence plus lointaine des purges menées dans les différentes wilayas sera la perte de ces jeunes intellectuels pour l'Algérie indépendante[158].
Décimés et découragés, les maquis de l'ALN ne purent qu’attendre le coup de grâce. Il leur fut donné, lorsque le commandement français décida de déclencher les grandes opérations prévues par le plan Challe.
Bataille des frontières (21 janvier au 28 mai 1958)
À partir de , l'Armée de libération nationale (ALN) trop éprouvée par le choc frontal avec les barrages électrifiés de la Ligne Morice et les unités parachutistes de l'armée française cherche par tous les moyens à faire rentrer en Algérie le maximum possible d'unités de combat et des armes destinées aux chefs de l'ALN qui commandent les combats contre l’armée française à l'intérieur du pays. Confrontée à une situation toujours plus délicate, l'armée française cherche des parades efficaces aux infiltrations de la frontiere algéro-tunisienne plus nombreuses depuis l'indépendance de la Tunisie en 1956. En automne 1957, plus de 2 000 armes par mois passent la frontière et sont distribuées dans les willayas I, II et III. Le gouvernement français exerce de fortes pressions sur la Tunisie, la menaçant même de représailles si les franchissements continuent. En vain. La solution ne peut être que militaire. La mission principale des forces françaises devient l'interception et la destruction des bandes armées qui traversent le barrage de la ligne Morice, s'étendant sur 460 kilomètres de la Méditerranée aux confins sahariens[159].
Conscients du danger d'asphyxie que représente pour eux le barrage électrifié et miné de la « Ligne Morice » aux frontières, particulièrement celui qui les isole de la Tunisie, les chefs de l'ALN s'efforcent de trouver la parade. Dès la fin de l'année 1957, ils ont multiplié les sabotages de la haie électrifiée, creusé des tunnels pour passer sous l'obstacle et tenté de déborder le barrage par le sud.
La bataille des Frontières qui débute en et dure jusqu'en mai va porter un coup fatal aux katibas de l'ALN. Cette défaite va déboucher sur une crise politique sans précédent au sein du FLN. Elle fut la plus grande bataille de toute la Guerre d'Algérie qui a marqué un tournant en faveur de l'armée française.
Les pertes françaises sont élevées : 273 tués et 800 blessés. Celles de l'ALN sont encore plus lourdes : près de 4 000 morts, 590 prisonniers. Une énorme quantité d'armes individuelles et collectives a été saisie. Surtout, l'Algérie est hermétiquement « encagée ». Ayant perdu la bataille des frontières, l'Armée de libération nationale (ALN) ne peut plus être ravitaillée de l'extérieur. Militairement, la France a pratiquement gagné la bataille des frontières[160].
Putsch d'Alger et Comité de salut public (mai 1958)
À la suite du départ de Félix Gaillard qui laisse vacant le poste de chef du gouvernement, une grave crise ministérielle s'installe le . L'armée prend alors le pouvoir le , à Alger.
À 18 heures, Pierre Lagaillarde, leader étudiant de la rébellion contre la république française et commandant de réserve, lance ses miliciens du Groupe des 7 à l'assaut de l'immeuble du Gouvernement Général d'Alger, symbole de l'autorité nationale et de la République française. À 18 h 30 le « GG » présidé par le gouverneur Lacoste (SFIO) tombe aux mains des rebelles. À Paris, en réaction au « putsch d'Alger », le Gouvernement Pierre Pflimlin (MRP) est créé, il durera jusqu'au . L'image de la France dans le monde, et plus particulièrement en Europe occidentale est fortement dégradée.
Pendant ce temps à Alger, le général Massu, commandant la 10e division parachutiste de la bataille d'Alger, prend la tête du comité de Salut Public et fait savoir au président René Coty de l'Union républicaine (UR) qu'il attend la formation d'un « gouvernement de Salut Public ».
Le , des manifestations de « fraternisation » entre Européens et musulmans ont lieu sur la place du Forum à Alger. À propos de ces événements, le Président du Conseil de Gaulle déclare lors de son premier voyage en Algérie, le à Mostaganem, département d'Oran :
« Il est parti de cette terre magnifique d'Algérie un mouvement exemplaire de rénovation et de fraternité. Il s'est élevé de cette terre éprouvée et meurtrie un souffle admirable qui, par-dessus la mer, est venu passer sur la France entière pour lui rappeler quelle était sa vocation ici et ailleurs… Il n'y a plus ici, je le proclame en son nom et je vous en donne ma parole, que des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marchent désormais dans la vie en se tenant par la main »
— Discours de Mostaganem, 6 juin 1958
Le 1er juin, à la suite de l'Opération Résurrection en Corse qui annonce l'imminence d'un putsch à Paris, le président annonce qu'il délègue ses pouvoirs au « plus illustre des Français », le général de Gaulle. Celui-ci forme un gouvernement de salut public et dans la foulée annonce la création d'une nouvelle constitution. C'est la fin de la Quatrième République.
De Gaulle et la conduite des affaires algériennes (1958-1962)
Retour aux affaires et Ve République (septembre 1958-1959)
Proposé sous la présidence de la République de René Coty et le gouvernement dirigé par Charles de Gaulle, le Référendum du 28 septembre 1958 demandait aux Français de ratifier le texte de la nouvelle Constitution qui posait les fondements de la Cinquième République. Confortée par plus des quatre cinquièmes des voix, la Constitution fut promulguée le et la Ve République proclamée le jour suivant. Dans les colonies françaises, le référendum vise également à la création de la Communauté française.
Concernant la signification du référendum en Algérie, le général de Gaulle déclare le :
« Par leur vote, les habitants de l’Algérie vont fournir une réponse à la question de leur propre destin. Les bulletins qu’ils mettront dans l’urne auront, sur un point capital, une claire signification. Pour chacun, répondre « oui » dans les circonstances présentes, cela voudra dire, tout au moins, que l’on veut se comporter comme un Français à part entière et que l’on croit que l’évolution nécessaire de l’Algérie doit s’accomplir dans le cadre français[161] »
96 % des Algériens, Européens et musulmans, soit 75 % des 4 412 171 électeurs inscrits, disent « oui » à la nouvelle Constitution malgré les appels en faveur du boycottage lancé par le FLN. Il s'agit du premier scrutin auquel les femmes algériennes participent[162],[163]. Après les résultats du référendum en Algérie, de Gaulle déclare le à Constantine :
« Trois millions et demi d'hommes et de femmes d'Algérie, sans distinction de communauté et dans l'égalité totale, sont venus des villages de toutes les régions et des quartiers de toutes les villes apporter à la France et à moi-même le bulletin de leur confiance. Ils l'ont fait tout simplement sans que quiconque les y contraigne et en dépit des menaces que des fanatiques font peser sur eux, sur leurs familles et sur leurs biens. Il y a là un fait aussi clair que l'éclatante lumière du ciel. Et ce fait est capital […] pour cette raison qu'il engage l'une envers l'autre et pour toujours l'Algérie et la France[164]. »
Il annonce également un vaste plan d'investissement en Algérie, le Plan de Constantine, laissant entendre un engagement durable de la France en Algérie. Cependant la toute nouvelle constitution prévoit dans son article 53 qu'une partie du territoire français puisse être cédée avec l'accord des populations concernées en vertu d'une simple loi[165].
Le , De Gaulle ouvre dans un discours la voie à l'autodétermination. Il annonce que l'ensemble des Algériens auront à se prononcer sur leur avenir. Trois options se dessinent[166] :
- ou bien la sécession conduisant de fait à l'indépendance ;
- ou bien la francisation conduisant, en raison de l'égalité des droits, à un unique État de Dunkerque à Tamanrasset ;
- ou bien un gouvernement autonome en Algérie, en association avec la France qui garderait ses prérogatives sur l'économie, l'enseignement, la défense et les affaires étrangères.
De Gaulle ne cache pas son hostilité aux deux premières solutions. Selon lui, la première risque de conduire à la misère et à une dictature communiste. En ce qui concerne la seconde, il avait expliqué à Alain Peyrefitte, en : « […] Les musulmans, vous êtes allés les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leurs djellabas, vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! Ceux qui prônent l'intégration ont une cervelle de colibri, même s'ils sont très intelligents. Essayez d'intégrer de l'huile et du vinaigre. Agitez la bouteille. Au bout d'un moment, ils se séparent de nouveau. Les Arabes sont des Arabes, les Français sont des Français. Vous croyez que le corps français peut absorber 10 millions de musulmans qui demain seront 20 millions, et après demain 40 ? Si nous faisons l'intégration, si tous les Arabes et Berbères d'Algérie étaient considérés comme Français, comment les empêcherait-on de venir s'installer en métropole, alors que le niveau de vie y est tellement plus élevé ? Mon village ne s'appellerait plus Colombey-les-Deux-Églises, mais Colombey-les-Deux-Mosquées ! […] »[167].
La possibilité d'une sécession, ouverte par ce discours du et l'utilisation du suffrage universel, inquiète les partisans de l'Algérie française.
Extension de la guerre à la métropole (août 1958) et guerre civile FLN - MNA
En , les Français de la métropole découvrent que la guerre a franchi la Méditerranée. Dans la nuit du 26, une quinzaine d'attentats ont été commis dans plusieurs régions ayant pour cibles sites militaires, postes de police, voies ferrées, dépôts d'essence et raffineries. Les attentats du mois d'août font 17 morts parmi les policiers, 6 parmi les militaires[110].
Ces attentats ont pour but de démontrer à l'opinion publique française que le FLN est toujours actif. Néanmoins, l'essentiel de l'effort militaire de l'organisation algérienne se porte contre le Mouvement national algérien (MNA) beaucoup mieux implanté en France. Cette guerre civile entre les deux organisations indépendantistes sera extrêmement sanglante. Elle est à l'origine de 4 300 morts dont 4 055 morts Algériens pour seulement 152 victimes civiles françaises, 16 militaires, 53 policiers et 24 supplétifs musulmans[110],[168],[169].
La Fédération de France du FLN est ainsi parvenue à prendre le contrôle de la communauté algérienne établie en France et des importantes collectes de fonds venant de la métropole en éliminant les partisans de Messali Hadj.
Mort du colonel Amirouche lors de la bataille de Djebel Tsameur (mars 1959)
Le colonel Amirouche qui voulait se présenter à Tunis pour rencontrer le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), le , se met en route accompagné par 40 combattants. Son itinéraire fut vraisemblablement communiqué au commandement français par un opérateur radio du MLAG aux ordres d'Abdelhafid Boussouf, qui désirait se débarrasser de deux « contestataires » trop encombrants[170].
Pris dans une embuscade, le groupe se fait encercler par des éléments importants de l'armée française. Après un combat, violent et inégal, on dénombre cinq prisonniers et trente-cinq tués Algériens. Parmi les cadavres, le colonel Amirouche et Si El Haouès.
Plan Challe (1959-1961)
Jusqu'à la fin de 1958, l'initiative appartient aux maquisards de l'Armée de Libération Nationale (ALN). Le général Challe nommé en décembre commandant en chef des forces armées en Algérie, est chargé d'inverser la tendance. Avec ses collaborateurs il présente le plan qui portera son nom. Il doit permettre aux Français de profiter à plein de l'avantage que leur donne la puissance de leur armée, supérieurement équipée et ravitaillée, et composée de 475 000 hommes contre 50 000 maquisards dans l'ALN. Même s'il apparaît essentiellement comme un homme d'état-major, le général Challe va très vite donner confiance aux cadres de l'armée qui ont longtemps eu l'impression de manquer de perspectives d'ensemble[171].
Jusque-là, l'armée française privilégiait le « quadrillage » : des unités fixes étaient chargées de tenir les points sensibles du pays. Tandis que les unités mobiles de « réserve générale » comprenant en particulier les régiments parachutistes se trouvaient trop souvent réduites à des missions ponctuelles. Le « plan Challe » consiste à dégager le maximum de ces troupes de réserve et à les engager de manière systématique, en concentrant successivement leurs efforts sur une série de zones données. Le but est d'affaiblir et de désorganiser les unes après les autres les unités de l'ALN. Elles seront en effet incapables de se reconstituer puisque, depuis 1958, des barrages électrifiés solidement gardés verrouillent l'accès aux frontières marocaine et tunisienne, et la Marine assure une surveillance à peu près totale des côtes. Cette phase de démantèlement achevée, les troupes de quadrillage seront ensuite assez fortes pour affronter seules ce qui subsistera des groupes armés, au moyen de petites unités légères et mobiles, les « commandos de chasse ».
La mise en œuvre du plan repose sur deux éléments essentiels : le renseignement et la mobilité des troupes. Le renseignement est placé sous la responsabilité du CCI (centre de coordination interarmées), représenté, aux échelons régionaux, par les DOP (Dispositif opérationnel de protection), qui travaillent avec les officiers de renseignements (OR) des unités. Les informations obtenues lors des interrogatoires de prisonniers permettent d'étudier minutieusement les zones de déplacement et de refuge des unités de l'ALN. Les troupes d'intervention seront alors envoyées dans les délais les plus rapides, notamment par hélicoptère. Tandis que les « commandos de chasse » constitués par les harkis - Algériens musulmans engagés aux côtés de l'armée française régulière - pourront traquer l'adversaire dans les terrains les plus difficiles.
Le général Challe compte beaucoup sur ces supplétifs, volontaires pour un service court de six ou douze mois renouvelables. « Nous ne pacifierons pas l'Algérie sans les Algériens », écrit-il en 1959. En plus des 60 000 harkis (chiffre de 1960), il veut parler des 20 000 moghaznis et des 9 000 hommes des Groupes mobiles de sécurité (GMS), nouveau nom des GMPR (groupes mobiles de protection rurale). Ou encore des petites milices dites « groupes d'autodéfense » (GAD), organisées, plus ou moins spontanément, dans des villages hostiles aux combattants de l'ALN. Leur effectif se monterait à une soixantaine de milliers d'hommes, dont une trentaine de milliers armés par la France.
Les soldats français vont chercher les maquisards de l'ALN sur leur terrain. Entre et , les opérations militaires prévues par le « plan Challe » balaient le nord de l'Algérie d'Ouest en Est. Du plus facile, l'Oranais, au plus difficile, le Nord Constantinois, largement dominé par l'ALN. Après le départ de Challe en , le général Crépin prend le relais et complète le dispositif avec les opérations « Cigale », « Prométhée », « Flammèches » et « Trident » qui s'étalent jusqu'en . Les chefs de l'armée française créent des zones interdites qu'ils vident de leur population. Ils veulent ainsi isoler les combattants de l'ALN des civils qui les nourrissent, les soignent et les cachent. Les habitants sont regroupés dans des villages près des postes militaires. En 1960, plus de deux millions de personnes sont concernées. Pauvreté accrue, perte des valeurs, les conséquences humaines, économiques et sociales sont dramatiques pour ces civils coupés de leurs terres.
Les opérations du « plan Challe »
Que ce soit par la route, par les airs ou encore par voie maritime vingt-cinq mille hommes viennent renforcer les quinze mille militaires du « plan Challe ». Il commence par la wilaya V, la plus avancée dans la voie de la pacification, du au , puis il continue en wilaya IV par l'opération « Courroie », couronne montagneuse de l'Algérois et Ouarsenis, du au , et, avec une moindre intensité, dans le Sud Département d'Oranais, du au . Pour éviter un repli vers l'est des unités kabyles, l'opération « Étincelle » traite les monts du Hodna, reliant la wilaya III à la wilaya I, du 8 au , puis l'opération « Jumelles » s'appesantit sur la wilaya III, du à la fin de . Peu après, les opérations « Pierres précieuses » (« Rubis », « Saphir», « Turquoise », « Émeraude » et « Topaze ») s'abattent sur la wilaya II, entre le et le , jusqu'en ; puis une deuxième série d'opérations « Pierres précieuses » revient sur les mêmes régions pendant plusieurs mois, jusqu'en [171].
Après le départ du général Challe en avril, son successeur, le général Crépin, revient encore sur l'Ouarsenis (« Cigale », du au ) et sur l'Atlas saharien (opération « Prométhée », d'avril à ), mais il porte son principal effort sur la wilaya I : opération « Flammèches » dans les monts du Hodna, du 21 au , puis opération «Trident » d' jusqu'en . Dans toutes ces régions, les commandos de chasse prennent la relève des réserves générales. En même temps, l'armée continue à démanteler par tous les moyens l'OPA qui encadre la population. C'est la tâche des officiers de renseignement et d'organismes spécialisés en marge de la hiérarchie militaire ordinaire : les DOP créés en 1957 dans le cadre du Centre de coordination interarmées (CCI), et les centres de renseignement d'action (CRA), créés en 1959.
Victoire militaire et défaite politique ?
Le « plan Challe » a permis à l'armée française de reprendre assez largement l'initiative des opérations. Il a infligé à l'Armée de libération nationale (ALN) de grosses pertes, sans doute la moitié de son potentiel estimé, soit 25 000 hommes. Leur moral s'est trouvé d'autant plus atteint qu'ils ont eu le sentiment de ne pas avoir été soutenus par la direction de leur mouvement, installée en Tunisie et au Maroc. Un nombre non négligeable de combattants sont passés dans le camp français. Certains responsables ont même accepté d'entrer en contact avec les autorités françaises pour mettre fin aux combats à la suite de la proposition de « paix des braves » lancée par le général de Gaulle. Le chef de la wilaya IV, Si Salah, a été ainsi reçu secrètement à l'Élysée le . Il sera finalement désavoué au sein de sa wilaya. Mais certains militaires iront jusqu'à accuser ouvertement l'entourage du général de Gaulle d'avoir refusé d'exploiter ces ouvertures et d'avoir contribué à faire disparaître Si Salah (tué en juillet 1961 dans une embuscade) pour supprimer un témoin gênant.
Cette victoire militaire est-elle totale ? La manière dont les services de propagande de l'armée ont présenté le « bilan » en termes de « hors-la-loi abattus », « armes saisies », ou « populations ralliées » comme s'il s'agissait d'autant de coups décisifs portés à l'ennemi, est sans doute exagérément optimiste. Les réalités sont moins satisfaisantes. Ainsi, le colonel Bigeard, recevant le général de Gaulle à Saïda en , déclare, après avoir présenté un ensemble de très brillants résultats : la « pacification semble se dérober comme un mirage, en dépit de progrès indiscutables, à mesure que le temps passe. […] Le mal est profond, le cancer bien accroché.» La dissolution des katibas de l'ALN, éclatés en petits groupes de quelques hommes, moins vulnérables, pose notamment problème[171].
Par ailleurs, si l'efficacité militaire des « bandes » est devenue à peu près nulle, les capacités d'actions dites « terroristes » demeurent. Le général De Gaulle avait déclaré, le , qu'on pourrait considérer comme acquis le retour à la paix lorsque le nombre « d'embuscades et attentats mortels » serait inférieur à 200 en un an. Or, à la fin de 1960, le nombre d'attentats contre les civils se monte à environ 300 par mois. Le nombre de morts du seul côté français s'élève à 3 700. La moitié sont des civils. Surtout, la guerre est loin d'être gagnée sur le plan politique. En Algérie, le réseau des militants FLN, capable de continuer l'action de propagande et d'encadrement, a réussi à survivre. Les manifestations musulmanes d'Alger, en , soulignent la popularité de l'idée d'indépendance. En France, la guerre divise de plus en plus l'opinion, et la participation des appelés du contingent aux opérations est de plus en plus mal acceptée. À l'étranger, le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) bénéficie d'une audience croissante non seulement dans le monde arabe et les pays de l'Est (l'URSS et les États satellites, la Chine), mais aussi dans le Tiers-Monde, et même chez les alliés de la France, (comme les États-Unis et jusqu'à la République fédérale allemande). En , le général Challe déclare devant son état-major : « Leur propagande est meilleure que la nôtre. »[171]
L'armée française contrôlait cependant l'Algérie. À la fin du plan Challe, le nombre de combattants de l'ALN n'était plus que d'environ 10 000 à l'intérieur des maquis. Une partie de ces maquisards, ainsi que des dirigeants, avaient dû fuir vers les pays voisins tandis que d'autres, restés en Algérie, ont été contraints pour survivre de se terrer durant les opérations[172],[173]. Les combats majeurs en Algérie avaient pris fin et les maquis avaient été décimé. C'est pourquoi la guerre est considérée par plusieurs auteurs comme une victoire militaire française[174],[175][réf. à confirmer].
Cependant, l'issue politique de la guerre est sans aucun doute une victoire du FLN. L'historien Maurice Vaïsse, qui analyse ce conflit « non pas comme une guerre classique, mais bien comme une guerre de décolonisation », conclut une conférence, donnée en février 2002 à l'Université de tous les savoirs, de façon nuancée, en relevant les éléments qui lui permettent de répondre — à la fois — par l'affirmative et par la négative aux deux questions posées : « Est-on en présence d’une victoire militaire de la France ? », « Est-ce une défaite diplomatique ? »[176].
Semaine des barricades
Dans un discours du , le général de Gaulle évoque trois options pour l'avenir de l'Algérie (sécession, francisation ou association), ouvrant pour la première fois le droit à l'autodétermination du peuple algérien pouvant conduire à une indépendance. Cette possibilité est jugée inacceptable par les pieds-noirs et par beaucoup de militaires. Le rappel à Paris en du général Massu va servir de détonateur à des journées insurrectionnelles appelées « semaine des barricades ».
Le , des ultra de l'Algérie française, avec à leur tête Pierre Lagaillarde, Guy Forzy, Jean-Jacques Susini et Joseph Ortiz, organisent une grande manifestation de protestation au cours de laquelle des incidents éclatent. Lagaillarde et Forzy occupent avec leurs partisans le quartier des facultés tandis que Joseph Ortiz investit le bâtiment de la Compagnie algérienne. Sur le plateau des Glières, là où se tient la manifestation, la foule n'a pas l'ampleur de celle du mais des barricades sont dressées. Alors que les gendarmes interviennent pour dégager les rues, des coups de feu éclatent : 14 gendarmes sont tués et une centaine sont blessés alors que les manifestants comptent 6 morts et 24 blessés.
Lagaillarde reste retranché dans le quartier des facultés, appuyé par plusieurs unités de territoriaux en armes. Michel Debré ordonne à Delouvrier d'employer la force si nécessaire pour mettre fin aux émeutes d'Alger. De leur côté, les musulmans ne suivent pas et, sans que l'armée soit obligée d'ouvrir le feu, les pieds-noirs rentrent progressivement chez eux. Restent Lagaillarde et son dernier carré de fidèles. Le , le colonel de parachutistes Dufour négocie avec le capitaine Forzy une sortie honorable. Lagaillarde et ses hommes défileront en silence avant d'intégrer pour ceux qui le souhaitent une unité du 1er R.E.P, le Commando Alcazar.
Les meneurs sont arrêtés et jugés par un tribunal militaire en métropole. Le procès dit « des Barricades » se tient à Paris au mois de . Les accusés Pierre Lagaillarde et Jean-Jacques Susini, mis en liberté provisoire pour la durée du procès, s'enfuiront à Madrid, où ils fonderont l'OAS.
Affaire Si Salah (juin 1960)
Dans un contexte où les maquis de l'intérieur ont été durement éprouvés, Si Salah responsable par intérim de la wilaya IV, depuis , décide, en tant que responsable d'ouvrir des négociations directes avec les autorités françaises. Les dernières opérations ont fait perdre à la wilaya IV plus de 50 % de son armement et 45 % de ses effectifs. Elle compte encore 2 500 hommes environ. Si Salah, a fait un voyage en Tunisie d'où il est revenu « écœuré des intrigues, qui occupent les dirigeants du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) à Tunis, beaucoup plus que le sort des maquisards ».
En , il souligne la « désaffection des populations pour la cause ». Dans ce contexte, l'offre de la « Paix des Braves » présentée le par le chef de l'État, le général De Gaulle, puis le discours du , qui ouvre la voie à l'autodétermination de l'Algérie, recueillent un écho favorable parmi les maquisards.
Le , il se rend secrètement à l'Élysée et négocie directement avec le général de Gaulle un possible cessez-le-feu. Selon