Gaston Defferre — Wikipédia
Gaston Defferre | |
Gaston Defferre en 1964. | |
Fonctions | |
---|---|
Député français | |
– (1 mois et 5 jours) | |
Élection | 16 mars 1986 |
Circonscription | Bouches-du-Rhône |
Législature | VIIIe (Cinquième République) |
Groupe politique | SOC |
Successeur | Jean-Jacques Léonetti |
– (18 ans, 7 mois et 19 jours) | |
Élection | 25 novembre 1962 |
Réélection | 12 mars 1967 30 juin 1968 11 mars 1973 19 mars 1978 21 juin 1981 |
Circonscription | 3e des Bouches-du-Rhône |
Législature | IIe, IIIe, IVe, Ve, VIe et VIIe (Cinquième République) |
Groupe politique | SOC (1962-1967) FGDS (1967-1973) PSRG (1973-1978) SOC (1978-1986) |
Prédécesseur | Charles Colonna d'Anfriani |
Successeur | Philippe Sanmarco |
– (13 ans et 29 jours) | |
Élection | 21 octobre 1945 |
Réélection | 2 juin 1946 10 novembre 1946 17 juin 1951 2 janvier 1956 |
Circonscription | 1re des Bouches-du-Rhône |
Législature | Ire Constituante IIe Constituante Ire, IIe et IIIe (Quatrième République) |
Ministre d'État Ministre chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire | |
– (1 an, 8 mois et 3 jours) | |
Président | François Mitterrand |
Premier ministre | Laurent Fabius |
Gouvernement | Fabius |
Prédécesseur | Michel Rocard (indirectement) |
Successeur | Hervé de Charette (Plan) Pierre Méhaignerie (Équipement) |
Ministre d'État[N 1] Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation | |
– (3 ans, 1 mois et 25 jours) | |
Président | François Mitterrand |
Premier ministre | Pierre Mauroy |
Gouvernement | Mauroy I, II et III |
Prédécesseur | Christian Bonnet |
Successeur | Pierre Joxe |
Président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale | |
– (18 ans, 5 mois et 15 jours) | |
Réélection | 11 juillet 1968 3 octobre 1969 2 avril 1973 4 avril 1978 |
Législature | IIe, IIIe, IVe, Ve et VIe (Cinquième République) |
Prédécesseur | Francis Leenhardt |
Successeur | Pierre Joxe |
Sénateur français | |
– (3 ans, 7 mois et 10 jours) | |
Élection | 26 avril 1959 |
Circonscription | Bouches-du-Rhône |
Groupe politique | SOC |
Successeur | Roger Delagnes |
Ministre de l'Outre-mer | |
– (1 an, 3 mois et 20 jours) | |
Président | René Coty |
Président du Conseil | Guy Mollet |
Gouvernement | Mollet |
Prédécesseur | Pierre-Henri Teitgen |
Successeur | Gérard Jaquet |
Maire de Marseille | |
– (32 ans, 11 mois et 28 jours) | |
Élection | 3 mai 1953 |
Réélection | 15 mars 1959 21 mars 1965 21 mars 1971 20 mars 1977 13 mars 1983 |
Prédécesseur | Michel Carlini |
Successeur | Jean-Victor Cordonnier (intérim) Robert Vigouroux |
– (1 an, 2 mois et 28 jours) | |
Prédécesseur | Pierre Barraud |
Successeur | Jean Cristofol |
Ministre de la Marine marchande | |
– (1 an et 30 jours) | |
Président | Vincent Auriol |
Président du Conseil | Henri Queuille René Pleven |
Gouvernement | Queuille III Pleven I |
Prédécesseur | Lionel de Tinguy du Pouët |
Successeur | André Morice |
Sous-secrétaire d'État à l'Outre-mer | |
– (1 mois) | |
Président du Conseil | Léon Blum |
Gouvernement | Blum III |
Secrétaire d'État à l'Information | |
– (4 mois et 29 jours) | |
Président du Conseil | Félix Gouin |
Gouvernement | Gouin |
Biographie | |
Nom de naissance | Gaston Paul Charles Defferre |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Marsillargues (France) |
Date de décès | (à 75 ans) |
Lieu de décès | Marseille (France) |
Nature du décès | Hémorragie interne |
Sépulture | Cimetière Saint-Pierre (France) |
Nationalité | Française |
Parti politique | SFIO (1933-1969) PS (1969-1986) |
Conjoint | Andrée Aboulker (1935-1945) Marie Antoinette Swaters dite Paly (1946-1973) Edmonde Charles-Roux (1973-1986) |
Diplômé de | Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille |
Profession | Avocat |
Religion | Protestantisme |
| |
Maires de Marseille Ministres français de l'Intérieur | |
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Gaston Defferre, né le à Marsillargues (Hérault) et mort le à Marseille, est un homme politique et résistant français.
Membre de la Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO) puis du Parti socialiste, il est maire de Marseille d' à , puis de à sa mort.
Parlementaire et ministre à plusieurs reprises sous les IVe et Ve Républiques, « numéro deux du gouvernement » à deux reprises, puis candidat à l'élection présidentielle de 1969, il donne son nom à deux lois importantes : la loi-cadre de 1956 ouvrant la décolonisation en Afrique et celle de 1982 sur la décentralisation.
Biographie
[modifier | modifier le code]Origine et formation
[modifier | modifier le code]Gaston Paul Charles Defferre naît le à Marsillargues (Hérault) dans une famille protestante cévenole, au mas de Bony, demeure construite par son grand-père Pierre Causse. Il est le second enfant de Suzanne Causse (1882-1971) et de Paul Defferre (1882-1961), avoué à Nîmes, qui ont eu trois autres enfants : Marie-Louise[N 2], née en 1908, Monique, née en 1912, et Jacques en 1914[1].
Sa mère se charge de son éducation avant qu'il n'aille poursuivre ses études secondaires au lycée Alphonse-Daudet de Nîmes.
Gaston Defferre découvre l'Afrique lorsqu'il se rend avec sa famille à Dakar, où son père a ouvert un bureau. En 1922, avec sa mère, il rentre en métropole. Après des études de droit à l'université d'Aix-Marseille, il s'inscrit comme avocat au barreau de Marseille en 1931. En 1933, il devient militant socialiste et adhère à la 10e section de la SFIO de la ville. Cette période est politiquement très agitée. Simon Sabiani, premier adjoint du maire Georges Ribot, incarne le basculement d'une partie de la gauche vers la droite extrême et, en raison de ses relations avec François Spirito et Paul Carbone, la confusion entre la politique et les affaires de droit commun. Les affrontements politiques culminent aux élections cantonales de 1934 avec la montée du Parti communiste, emmené par Jean Cristofol et François Billoux, puis aux municipales de 1935, remportées par le candidat socialiste Henri Tasso, qui devient maire.
Pendant cette époque troublée, Gaston Defferre n'apparaît pas publiquement. Le , il épouse Andrée Aboulker, médecin, issue d'une famille juive d'Alger, cousine (et future épouse) de José Aboulker, chirurgien qui s'illustre dans la libération de l'Algérie en 1942. Ils divorcent le .
Avocat du Comité américain de secours de Varian Fry, il obtient en 1941 la libération sous caution de Daniel Bénédite[2].
Résistant
[modifier | modifier le code]Dirigeant du réseau Brutus
[modifier | modifier le code]Non affecté à une unité combattante pour des raisons médicales[réf. nécessaire], il reste à Marseille et est démobilisé le . Il reprend contact avec quelques socialistes marseillais dont il connaît l'esprit anti-vichyssois, dont Horace Manicacci et Fernand Trompette, piliers de la SFIO marseillaise. Il entre en relation avec l'avocat et parlementaire Félix Gouin qui organise tous les mardis à son cabinet, rue de la Darse à Marseille, une réunion des socialistes de la Ville. Gouin relaie les décisions prises par le Comité d'action socialiste créé par Daniel Mayer.
À la fin de 1940, Defferre est un des premiers résistants[3] à rejoindre le réseau créé par Lucas (le capitaine Pierre Fourcaud), qui, adjoint du colonel Passy au Bureau central de renseignements et d'action, arrive de Londres pour superviser la création de réseaux en zone non occupée.
Le mouvement devient ensuite, sous la houlette de son confrère du barreau André Boyer, le réseau de renseignement Brutus. Defferre utilise de nombreux pseudonymes dont celui de Danvers, puis à partir de 1943, de Massereau[4],[5].
En , il participe au comité exécutif du parti socialiste clandestin, constitué par Félix Gouin. Il soutient la création d’un Conseil national de la Résistance. Il rejoint la clandestinité lorsque les Allemands envahissent la zone libre le .
Après l'arrestation de Boyer (qui recevra la mention Compagnon de la Libération à titre posthume), le avec André Clavé qui venait de prendre la succession de Pierre Sudreau[6] lui-même arrêté par la Gestapo en novembre (tous trois seront déportés à Buchenwald, cinq mois plus tard), Gaston Defferre prend la direction du réseau.
Libération de Marseille
[modifier | modifier le code]À la libération de Marseille, le , Gaston Defferre s’empare du Petit Provençal, avec une milice de truands dirigée par Nick Venturi. Ce groupe et le contrôle de ce journal l'aideront longtemps à garder le pouvoir à Marseille. Le Petit Provençal est rebaptisé Le Provençal et deux journalistes proches de Deferre s'appuient sur lui pour fonder en 1950 un concurrent de l'AFP, l'Agence centrale de presse, qui fédère une vingtaine de journaux régionaux.
Gaston Defferre s’assure aussi la direction de la fédération SFIO des Bouches-du-Rhône.
Bien que ses liens maritaux avec sa femme Andrée Aboulker se soient distendus, il lui demande de le représenter à l'Assemblée consultative provisoire qui siège à Paris pour se concentrer sur la mairie de Marseille[7]. Nommé président de la délégation municipale, il devient maire de Marseille en 1944, puis le reste jusqu'en . Le communiste Jean Cristofol lui succède puis perd la mairie en 1947 peu avant l'affaire Vincent Voulant.
Le , il épouse en secondes noces une infirmière d'origine hollandaise, Marie-Antoinette « Paly » Swaters[8] (née à Bruxelles le et morte à Marseille le )[9].
Sous la IVe République
[modifier | modifier le code]Maire de Marseille
[modifier | modifier le code]Gaston Defferre redevient maire de Marseille à partir de 1953 et le reste jusqu'à sa mort en 1986. Pour combattre l'emprise de la Confédération générale du travail (CGT) communiste, il noue un lien privilégié avec la CGT-FO, qui obtient une influence déterminante « sur les embauches de personnel et les promotions »[10].
En matière d'urbanisme, ses mandats sont marqués par la construction de la galerie marchande de la Bourse qui détruit une partie des vestiges grecs de la ville, le retard pris dans la réhabilitation du centre-ville et le départ de nombreuses entreprises vers des communes environnantes[11].
Secrétaire d'état et ministre
[modifier | modifier le code]Gaston Deferre est rapidement intégré par le président du conseil, le marseillais Félix Gouin, comme secrétaire d’État à la présidence du Conseil, chargé de l’Information (janvier-juin 1946), puis secrétaire d’État à la France d’outre-mer dans le gouvernement Léon Blum (décembre 1946- janvier 1947). Il est ministre de la Marine marchande dans les gouvernements Pleven (juillet 1950- mars 1951) et Queuille (mars 1951- juillet 1951), puis Ministre de la France d'outre-mer en 1956-1957 dans le gouvernement de Guy Mollet, il prépare, avec son premier directeur de cabinet Pierre Messmer, la décolonisation de l'Afrique subsaharienne. À cette fin, il rédige la loi-cadre qui porte son nom.
Sous la Ve République
[modifier | modifier le code]Rejet des rapatriés
[modifier | modifier le code]En , il déclare à propos des rapatriés d'Afrique du Nord : « Français d’Algérie, allez vous faire réadapter ailleurs. Il faut les pendre, les fusiller, les rejeter à la mer… Jamais je ne les recevrai dans ma cité »[12],[13],[14].
Dans l'opposition à De Gaulle
[modifier | modifier le code]Il appelle à voter « oui » au référendum constitutionnel de 1958. Battu aux élections législatives de 1958, il siège au Sénat de 1959 à 1962 puis retrouve son mandat de député socialiste en 1962. Il est constamment réélu jusqu'en 1986. Il a été président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale.
Le , il dispute et remporte le dernier duel pour l'honneur de l'histoire de France contre René Ribière avec qui il avait eu un différend dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Gaston Defferre interpelle son collègue, qui s'agite sur son banc, et lui crie : « Taisez-vous, abruti ! ». Un peu plus tard, dans la salle des Quatre-Colonnes, Gaston Defferre refuse de retirer son injure et René Ribière lui envoie ses témoins et demande réparation par le fer (en l'occurrence l'épée). Le duel a lieu dans une résidence privée de Neuilly-sur-Seine, et est arbitré par le député gaulliste de gauche Jean de Lipkowski. Gaston Defferre rejette les épées « limées » qu'on lui propose et refuse que l'on s'arrête au premier sang. Manquant d'expérience et devant se marier le lendemain, René Ribière est blessé une première fois, mais demande la reprise du combat. Après une seconde estafilade, Defferre consent finalement à ce que l'arbitre du combat y mette fin[15],[16],[17].
Il apparaît sous le nom de M. de Ferre, comte de Provence, dans l'ouvrage pamphlétaire d'André Ribaud sur le pouvoir gaulliste, Le Roi (Julliard, 1961).
« Monsieur X »
[modifier | modifier le code]En 1965, son nom est évoqué pour être le candidat de l'opposition de gauche et du centre à l'élection présidentielle, face au général de Gaulle. Il publie Un nouvel horizon, chez Gallimard en 1965 pour présenter les lignes directrices d'une politique immédiatement applicable par un gouvernement de progrès. Il souhaite créer une grande fédération alliant la SFIO aux centristes.
Sa candidature est notamment inspirée par la campagne de l'hebdomadaire L'Express, Gaston Defferre étant le « Monsieur X », candidat idéal de l'opposition au gaullisme. L'intéressé joue de cette agitation médiatique et maintient le suspense, notamment lors d'une intervention remarquée aux "Mardis de l'ESSEC" le [18]. Néanmoins, les négociations entre la SFIO et le MRP centriste échouent en [19]. Guy Mollet, secrétaire général, n'est partisan ni d'un rapprochement avec les centristes, ni d'une union de la gauche avec les communistes. Il invoque la laïcité pour faire échouer la convergence avec les centristes et ainsi empêcher Defferre d'être candidat[20]. L'idée d'un grand mouvement démocrate, inspiré du modèle américain et du président Kennedy, échoue donc. François Mitterrand et Jean Lecanuet portent finalement respectivement les couleurs de la gauche et du centrisme lors du scrutin de .
En , la démission du président de Gaulle ouvre à nouveau la bataille pour la présidence de la République. Gaston Defferre est désigné par défaut candidat du Parti socialiste. Il propose un tandem avec Pierre Mendès France qui doit devenir son Premier ministre en cas de victoire, stratégie qui s'inspire du modèle américain, et son « ticket » président – vice-président. Le positionnement centriste et opposé au fonctionnement de la Ve République de Gaston Defferre et Pierre Mendès France ne séduit guère l'électorat, puisque le candidat ne recueille que 1 133 222 voix au premier tour, soit 5,01 % des suffrages exprimés. Il est victime de la concurrence du candidat centriste Alain Poher, président du Sénat et figure de proue de la campagne du « non » au référendum du , de celle du PSU Michel Rocard, ainsi que de celle de Jacques Duclos, qui fait le plein des voix communistes. Cet échec retentissant — il restera jusqu'en 2022 le pire score d'un candidat socialiste au premier tour de l'élection présidentielle[21] — va amener la fondation du nouveau Parti socialiste en 1969, et le choix d'une alliance à gauche avec le Parti communiste français, autour du Programme commun, à partir de 1972.
Il épouse en troisièmes noces, en 1973, la femme de lettres Edmonde Charles-Roux.
Un portrait du candidat par Pierre Viansson-Ponté
[modifier | modifier le code]En 1971, le journaliste français Pierre Viansson-Ponté brosse un portrait psychologique et même physique de l'ancien maire de Marseille et candidat malheureux à l'élection présidentielle de 1969 dans son ouvrage sur la République gaullienne : « Au physique, c'est un Méridional froid, un homme tranquille qui ne brille pas, mais qui pèse. Il respire l'assurance calme, la solidité de quelqu'un qui a les pieds sur terre comme un paysan cévenol. Il fait son travail méthodiquement, patiemment : même ses colères sont glacées ; si son ironie peut être mordante, s'il déteste les gens tristes, il a peu d'humour. Sa voix lente coule sans inflexions ni effets sur cette très légère cadence musicale qui est la dernière trace d'accent chez les bourgeois cultivés du midi. Du paysan, il a la dignité un peu méfiante : on ne lui tape pas sur le ventre, on ne le tutoie guère. C'est un mélange compliqué d'orgueil et de modestie, de rudesse et de rouerie, de puritanisme et de liberté d'allure, avec le goût des plaisirs coûteux et l'horreur de l'argent, avec de la séduction et de la raideur ». L'analyse du journaliste politique se fait ensuite plus personnelle, voire sans concessions : « En fait, il n'a rien d'un militant et peu d'un socialiste. La foule l'agace et il le montre, il est le contraire d'un tribun et quand il prend la parole, il réussit en quelques minutes à décourager ses plus chauds partisans, à faire tomber l'enthousiasme, à transformer un auditoire chaleureux et remuant qui l'acclame en une assemblée froide et silencieuse qui subit plus qu'elle ne les écoute ses propos secs et distants. Dans la négociation, dans la controverse, il se veut dur, invulnérable et sans détour. Pourtant, on devine vite une sensibilité à fleur de peau, une fragilité et presque une naïveté dont on se demande bientôt s'il est conscient et use pour faire céder ou s'il s'agit chez lui d'une seconde nature. Sans aller plus loin dans l'analyse psychologique et la description du personnage, disons simplement que Gaston Defferre n'était que sur le papier et pour les théoriciens le candidat idéal à l'élection présidentielle »[22].
Ministre de l'Intérieur
[modifier | modifier le code]Après la victoire de la gauche en 1981, Gaston Defferre est le choix initial de François Mitterrand pour devenir son Premier ministre, mais le Président sait que l'âge de l'intéressé pourrait poser problème. Defferre réclame l'Intérieur et il l'obtient en devenant ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation, du au dans le gouvernement de Pierre Mauroy puis ministre d'État chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire dans le gouvernement de Laurent Fabius du au pendant le premier septennat de François Mitterrand. Ses cinq années place Beauvau sont marquées par la mise en œuvre de la décentralisation, une des grandes réformes de la gauche.
Après les élections législatives de qui donnèrent une majorité absolue aux socialistes, ce fut l'un des rares dirigeants socialistes à suggérer de se passer de ministres communistes dans le second gouvernement de Pierre Mauroy[23].
Thierry Le Luron, à la suite de rumeurs sur ses liens avec la mafia marseillaise, déclara à propos de sa nomination comme ministre de l'Intérieur : « Pour s'occuper du grand banditisme, il valait mieux un spécialiste ».
Le , deux gardiens de la paix sont abattus par quatre membres d'Action directe. Au cours de leurs obsèques trois jours plus tard, les policiers réclament sa démission ainsi que celle du garde des Sceaux Robert Badinter, un cortège de 2 500 policiers parvenant même à bousculer les cordons de sécurité pour s'approcher de l'Élysée, ce qui incite la droite à s'emparer de cette affaire pour dénoncer le laxisme du gouvernement. Defferre remet à François Mitterrand une lettre de démission non datée tandis que le président demande à l'un de ses fidèles Pierre Joxe, de se préparer à prendre sa succession au ministère de l'Intérieur qui devient effective un an plus tard[24].
Maire de Marseille
[modifier | modifier le code]Il s'est principalement illustré par son long mandat de maire de Marseille, de 1944 à 1946 et de 1953 jusqu'à sa mort, en 1986, ponctué d'affaires douteuses mêlant politique et mafia. De l'après-guerre aux années 1970, l'emprise de la mafia sur la ville s'est accentuée, culminant avec l'affaire dite de la « French Connection », au moment où la ville devient la place principale d'approvisionnement en drogue de l'Europe.
En 1983, il est élu avec moins de voix que son adversaire Jean-Claude Gaudin. En tant que ministre de l'Intérieur, il venait de modifier le mode de scrutin dans les villes de Paris, Lyon et Marseille : l'élection se fait dans chaque arrondissement pour les deux premières villes, alors que Marseille bénéficiait d'un découpage en secteurs adapté au maire sortant. Ce découpage a été modifié après sa mort.
Pendant son mandat, Marseille voit sa population augmenter de façon considérable (rapatriés d'Algérie, etc.). La ville se développe dans l'urgence pour répondre aux besoins de l'affluence de population. De gigantesques HLM en béton sont érigées au Nord de la Ville, dessinées par l'architecte Pierre Meillassoux, jadis premier assistant de Fernand Pouillon. Les efforts de la municipalité font passer en priorité la construction de ces nouveaux quartiers urbains, au détriment du centre-ville.
Deux lignes de métro sont construites, la terre extraite du sol servant à créer des plages artificielles, dénommées officiellement « plages Gaston Defferre », ce qui n'empêche pas les Marseillais de les appeler les « plages du Prado ».
Gaston Defferre était aussi propriétaire des quotidiens marseillais Le Provençal (socialiste) et Le Méridional (de droite).
Il a mis à disposition de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X l'église de la Mission de France[25].
Mort et obsèques
[modifier | modifier le code]Dans la nuit du 5 au , après sa mise en minorité par les partisans de Michel Pezet lors de la désignation du secrétaire général de la fédération socialiste des Bouches-du-Rhône[26], Gaston Defferre, rentré seul dans son appartement du quartier d'Endoume à Marseille, prend un soporifique qui aurait été à l'origine d'un malaise entraînant une chute lors de laquelle il se blesse gravement au cou. Victime d'une hémorragie, il téléphone à son médecin et ami, le docteur Jean-Louis Sanmarco, qui, impuissant, demande l'intervention des médecins urgentistes du bataillon de marins-pompiers de Marseille, mais il est trop tard : conduit à l'hôpital de la Timone dans un coma irréversible, il meurt le lendemain matin. Aussitôt, l'hommage est unanime du côté de la classe politique[27].
Un hommage national lui est rendu le suivant devant l'hôtel de ville de Marseille. Lors de cette cérémonie, sont notamment présents le président de la République François Mitterrand, les anciens Premiers ministres Pierre Mauroy et Laurent Fabius, le Premier ministre Jacques Chirac, le président de l'Assemblée nationale Jacques Chaban-Delmas et les ministres Charles Pasqua et François Léotard. Lionel Jospin, alors premier secrétaire du Parti socialiste, prononce avec une réelle émotion son éloge funèbre, suivi de Jean-Victor Cordonnier, premier adjoint et maire par intérim, qui évoque l'œuvre municipale du défunt. Ses obsèques ont lieu à la cathédrale de la Major, à la demande de son épouse catholique, dans le cadre d'un culte protestant et œcuménique[28]. Il est inhumé au cimetière Saint-Pierre (pinède d'Arcussia, rang inférieur est, no 14). Selon ses vœux, un simple rocher brut provenant des Cévennes orne sa tombe.
Détail des mandats et fonctions politiques
[modifier | modifier le code]Fonctions électives
[modifier | modifier le code]- Député socialiste des Bouches-du-Rhône de 1945 à 1958, puis de 1962 à 1981 (démission lors de son entrée au gouvernement) ; réélu en , il meurt en cours de mandat ;
- Maire de Marseille de 1944 à 1946, puis de 1953 à 1986 ;
- Sénateur socialiste des Bouches-du-Rhône, élu le , réélu le (démissionne le de la même année après avoir été élu député).
Fonctions gouvernementales
[modifier | modifier le code]- Secrétaire d'État chargé de l'Information du gouvernement Félix Gouin (du au ) ;
- Sous-secrétaire d'État à la France d'outre-mer du gouvernement Léon Blum (3) (du au ) ;
- Ministre de la Marine marchande du gouvernement René Pleven (1) (du au ) ;
- Ministre de la Marine marchande du gouvernement Henri Queuille (3) (du au ) ;
- Ministre de la France d'outre-mer du gouvernement Guy Mollet (du au ) ;
- Ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation du gouvernement Pierre Mauroy (1) (du au ) ;
- Ministre d'État, ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation du gouvernement Pierre Mauroy (2) (du au ) ;
- Ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation du gouvernement Pierre Mauroy (3) (du au ) ;
- Ministre d'État chargé du Plan et de l'Aménagement du territoire du gouvernement Laurent Fabius (du au ).
Résultats électoraux
[modifier | modifier le code]Élection présidentielle
[modifier | modifier le code]Année | Parti | 1er tour | ||||
---|---|---|---|---|---|---|
Voix | % | Rang | Issue | |||
1969[29] | SFIO | 1 133 222 | 5,01 | 4e | Éliminé |
Élections législatives
[modifier | modifier le code]Candidat | Parti | Premier tour | Second tour | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Voix | % | Voix | % | ||||
Gaston Defferre sortant réélu | PS | 12 958 | 42,33 | 18 898 | 57,97 | ||
Robert Villani | RPR (UNM) | 10 320 | 33,71 | 13 703 | 42,03 | ||
Yvan Massiani | PCF | 5 765 | 18,83 | ||||
Bernard Zeller | Extrême droite (PFN) | 1 064 | 3,48 | ||||
Ronald Perdomo | FN | 474 | 1,55 | ||||
Philippe Bartoli | Divers gauche | 32 | 0,10 | ||||
Inscrits | 53 178 | 100,00 | 53 178 | 100,00 | |||
Abstentions | 22 156 | 41,66 | 19 716 | 37,08 | |||
Votants | 31 022 | 58,34 | 33 462 | 62,92 | |||
Blancs et nuls | 409 | 1,32 | 861 | 2,57 | |||
Exprimés | 30 613 | 98,68 | 32 601 | 97,43 | |||
Source : Le Monde du 23 juin 1981, p. 15 et Sud-Ouest du 16 juin 1981, p. 4 |
Candidat | Parti | Premier tour | Second tour | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Voix | % | Voix | % | ||||
Gaston Defferre sortant réélu | PS | 12 323 | 31,63 | 22 433 | 55,73 | ||
Marcel Pujol | RPR | 10 700 | 27,46 | 17 821 | 44,27 | ||
Jean Dissler | PCF | 9 458 | 24,27 | Retrait | |||
Robert Vincent | UDF (CDS) | 3 048 | 7,82 | ||||
Jean-Jacques Gros | Écologie 78 | 1 809 | 4,64 | ||||
Philippe Forestier | Extrême droite (PFN) | 807 | 2,07 | ||||
Martine Piatti | Extrême gauche (LO) | 649 | 1,67 | ||||
Jean-Claude Mathey | Divers (GO, UJP) | 169 | 0,43 | ||||
Inscrits | 55 789 | 100,00 | 55 770 | 100,00 | |||
Abstentions | 16 203 | 29,04 | 14 566 | 26,12 | |||
Votants | 39 586 | 70,96 | 41 204 | 73,88 | |||
Blancs et nuls | 623 | 1,57 | 950 | 2,31 | |||
Exprimés | 38 963 | 98,43 | 40 254 | 97,69 | |||
Source : Data.gouv |
Candidat | Parti | Premier tour | Second tour | ||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Voix | % | Voix | % | ||||
Félicien Grimaldi | UDR (URP) | 16 101 | 41,09 | 19 201 | 49,47 | ||
Gaston Defferre sortant réélu | FGDS (SFIO) | 11 495 | 29,33 | 19 611 | 50,53 | ||
Louis Calisti | PCF | 9 420 | 24,04 | Retrait | |||
Jean-Paul Bastide | PSU | 1 178 | 3,01 | ||||
Denis Marcantetti | Divers droite (gaulliste) | 994 | 2,54 | ||||
Inscrits | 57 971 | 100,00 | 57 976 | 100,00 | |||
Abstentions | 17 972 | 31 | 17 997 | 31,04 | |||
Votants | 39 999 | 69 | 39 979 | 68,96 | |||
Blancs et nuls | 811 | 2,03 | 1 167 | 2,92 | |||
Exprimés | 39 188 | 97,97 | 38 812 | 97,08 | |||
Source : Données du CDSP et CEVIPOF |
Filmographie
[modifier | modifier le code]- 2014 : La Loi, téléfilm de Christian Faure, joué par Michel Jonasz.
- 2014 : La French, de Cédric Jimenez, joué par Féodor Atkine.
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- Ministre d'État jusqu'au
- Dite Maryse, elle épousera l'industriel marseillais André Cordesse, lui aussi protestant, qui fonde en 1945, avec Gaston Defferre, le quotidien Le Provençal et sera élu président de la chambre de commerce de Marseille en 1948.
Références
[modifier | modifier le code]- « RootsWeb.com Home Page », sur home.rootsweb.com (consulté le )
- Varian Fry, La liste Noire, Paris, Plon, , 282 p., note du traducteur p. 226.
- Jean-Marc Binot et Denis Lefebvre, « Brutus, des résistants et des frères: », Humanisme, vol. 278, no 3, , p. 16–21 (ISSN 0018-7364, DOI 10.3917/huma.278.0016, lire en ligne, consulté le )
- Francine Galliard-Risler, André Clavé : Théâtre et Résistance – Utopies et Réalités, A.A.A.C., Paris, 1998 – Ouvrage collectif écrit et dirigé par FGR, avec de très nombreux témoignages enregistrés et retranscrits – Préface de Jean-Noël Jeanneney - Épilogue de Pierre Schaeffer
- Jean-Marc Binot et Bernard Boyer, Nom de code : Brutus. Histoire d'un réseau de la France libre, Fayard, 2007
- Francine Galliard-Risler, André Clavé : Théâtre et Résistance – Utopies et Réalités, A.A.A.C., Paris, 1998
- Michèle Cointet, Histoire des 16 : Les premières femmes parlementaires en France, Fayard, , 216 p. (ISBN 978-2-213-70700-6, lire en ligne)
- Unger 2011.
- « SWATERS Marie-Antoinette », sur deces.matchid.io (consulté le )
- Olivier Bertrand, « FO, l’étrange cheville ouvrière de Marseille », sur Libération (consulté le )
- « Marseille, du rêve américain de Gaston Defferre au rêve euroméditerranéen de Robert Vigouroux », mediapart.fr, .
- Entretien dans L'Intransigeant du 26 juillet 1962 cité par Valérie Esclangon-Morin, Les rapatriés d'Afrique du Nord de 1956 à nos jours, L'Harmattan, 2007 (ISBN 2296028349), p. 160.
- « Les pieds-noirs, 50 ans après », sur Le Figaro, (consulté le ).
- Brigitte Benkemoun, « Guerre d'Algérie : quand Gaston Defferre suggérait que les pieds-noirs « aillent se faire pendre » ! », atlantico.fr, 9 avril 2012.
- « Defferre-Ribière, le dernier duel pour l’honneur », sur leparisien.fr, (consulté le ).
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- « Il y a cinquante ans, le dernier duel de France », sur Le Monde, (consulté le ).
- René Rémond, « L'élection présidentielle et la candidature Defferre », Revue française de science politique, vol. 14, no 3, , p. 513-526 (DOI 10.3406/rfsp.1964.403441, lire en ligne, consulté le )
- Pierre Viansson-Ponté, Histoire de la République Gaullienne : Le temps des orphelins, été 1962-avril 1969, Tome II, Fayard, 1971, p. 135-136.
- Jean-Pierre Chevènement, Qui veut risquer sa vie la sauvera : Mémoires, Paris, Éditions Robert Laffont, , 506 p. (ISBN 2221218469), Génération CERES
- « Présidentielle 2022 : Anne Hidalgo essuie la pire défaite électorale du PS », sur leparisien.fr, .
- Pierre Viansson-Ponté, Histoire de la République Gaullienne : Le temps des orphelins, août 1962-avril 1969, Tome II, Fayard, 1971 (ISBN 978-2213003764), p. 135-136.
- Lionel Jospin, Lionel raconte Jospin, Éditions du Seuil, Paris, .
- Laurent Bonelli, La France a peur. Une histoire sociale de l'« insécurité », La Découverte, , p. 87.
- René Guitton, La France des intégristes : extrémistes juifs, chrétiens, musulmans, le refus de la république, Paris, Flammarion, , 302 p. (ISBN 978-2-08-129093-8)
- « Obsèques de Gaston Defferre » sur le site de l'INA.
- « 20 Heures de France 2 du 7 mai 1986 », sur YouTube / INA.
- Jean Baubérot, Le Protestantisme doit-il mourir ? : la différence protestante dans une France pluriculturelle, Paris, Éditions du Seuil, , 274 p. (ISBN 2-02-010365-6), p. 171-186 (chapitre 10 : « Une cathédrale de la République laïque pour enterrer un protestant »).
- « Décision n° 69-20 PDR du 3 juin 1969 », sur Conseil constitutionnel (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Georges Marion, Gaston Defferre, Paris, Albin Michel, 1989, 361 p. (ISBN 2226035427).
- Edmonde Charles-Roux, L'Homme de Marseille, Paris, Grasset, 2001, 221 p. (ISBN 978-2246564416).
- Gérard Unger, Gaston Defferre, Paris, Fayard, , 391 p. (ISBN 978-2-213-66163-6)
- Patrick Cabanel, « Defferre, Gaston », in Patrick Cabanel et André Encrevé (dir.), Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours, tome 2 : D-G, Les Éditions de Paris Max Chaleil, Paris, 2020, p. 72-74 (ISBN 978-2-84621-288-5)
Liens externes
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- Ressources relatives à la vie publique :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :